— Bah ! dit madame de Kergarouët, cette pauvre dame ! Est-ce judiciairement ?
— Non, par goût, dit Camille.
— Hé ! bien, je comprends cela, répondit intrépidement la vicomtesse.
La vieille Pen-Hoël, au désespoir d’être dans le camp ennemi, s’était retranchée à quatre pas avec sa chère Charlotte. Calyste après avoir examiné si personne ne pouvait les voir, saisit la main de la marquise et la baisa en y laissant une larme. Béatrix se retourna, les yeux séchés par la colère : elle allait lancer quelque mot terrible, et ne put rien dire en retrouvant ses pleurs sur la belle figure de cet ange aussi douloureusement atteint qu’elle-même.
— Mon Dieu, Calyste, lui dit Camille à l’oreille en le voyant revenir avec madame de Rochegude, vous auriez cela pour belle-mère, et cette petite bécasse pour femme !
— Parce que sa tante est riche, dit ironiquement Calyste.
Le groupe entier se mit en marche vers l’auberge, et la vicomtesse se crut obligée de faire à Camille une satire sur les sauvages de Saint-Nazaire.
— J’aime la Bretagne, madame, répondit gravement Félicité, je suis née à Guérande.
Calyste ne pouvait s’empêcher d’admirer mademoiselle des Touches, qui, par le son de sa voix, la tranquillité de ses regards et le calme de ses manières, le mettait à l’aise, malgré les terribles déclarations de la scène qui avait eu lieu pendant la nuit. Elle paraissait néanmoins un peu fatiguée : ses traits annonçaient une insomnie, ils étaient comme grossis, mais le front dominait l’orage intérieur par une placidité cruelle.
— Quelles reines ! dit-il à Charlotte en lui montrant la marquise et Camille et donnant le bras à la jeune fille au grand contentement de mademoiselle de Pen-Hoël.
— Quelle idée a eue ta mère, dit la vieille fille en donnant aussi son bras sec à sa nièce, de se mettre dans la compagnie de cette réprouvée ?
— Oh ! ma tante, une femme qui est la gloire de la Bretagne !
— La honte, petite. Ne vas-tu pas la cajoler aussi ?
— Mademoiselle Charlotte a raison, vous n’êtes pas juste, dit Calyste.