Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/413

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teries de la mouche, mais l’esprit se promenait aux Touches. Comment l’envoyer chez Camille ? se demandait la mère qui sympathisait avec son fils, qui aimait et s’ennuyait avec lui. Sa tendresse émue lui donna de l’esprit.

— Tu meurs d’envie d’aller aux Touches la voir, dit Fanny à l’oreille de Calyste. L’enfant répondit par un sourire et par une rougeur qui firent tressaillir cette adorable mère jusque dans les derniers replis de son cœur. — Madame, dit elle à la vicomtesse, vous serez bien mal demain dans la voiture du messager, et surtout forcée de partir de bonne heure ; ne vaudrait-il pas mieux que vous prissiez la voiture de mademoiselle des Touches ? Va, Calyste, dit-elle en regardant son fils, arranger cette affaire aux Touches, mais reviens-nous promptement.

— Il ne me faut pas dix minutes, s’écria Calyste qui embrassa follement sa mère sur le perron où elle le suivit.

Calyste courut avec la légèreté d’un faon, et se trouva dans le péristyle des Touches quand Camille et Béatrix sortaient du grand salon après leur dîner. Il eut l’esprit d’offrir le bras à Félicité.

— Vous avez abandonné pour nous la vicomtesse et sa fille, dit-elle en lui pressant le bras, nous sommes à même de connaître l’étendue de ce sacrifice.

— Ces Kergarouët sont-ils parents des Portenduère et du vieil amiral de Kergarouët, dont la veuve a épousé Charles de Vandenesse ? demanda madame de Rochegude à Camille.

— Sa petite-nièce, répondit Camille.

— C’est une charmante jeune personne, dit Béatrix en se posant dans un fauteuil gothique, ce sera bien l’affaire de monsieur du Guénic.

— Ce mariage ne se fera jamais, dit vivement Camille.

Abattu par l’air froid et calme de la marquise, qui montrait la petite Bretonne comme la seule créature qui pût s’appareiller avec lui, Calyste resta sans voix ni esprit.

— Et pourquoi, Camille ? dit madame de Rochegude.

— Ma chère, reprit Camille en voyant le désespoir de Calyste, je n’ai pas conseillé à Conti de se marier, et je crois avoir été charmante pour lui : vous n’êtes pas généreuse.

Béatrix regarda son amie avec une surprise mêlée de soupçons indéfinissables. Calyste comprit à peu près le dévouement de Camille en voyant se mêler à ses joues cette faible rougeur qui chez