mière fois Calyste peignait bien son amour, j’ai fait assez de fautes, ne me tentez pas.
Ils étaient en ce moment au pied de la roche au buis. Calyste éprouva les plus enivrantes félicités à soutenir la marquise en gravissant ce rocher où elle voulut aller jusqu’à la cime. Ce fut pour ce pauvre enfant la dernière faveur que de serrer cette taille, de sentir cette femme un peu tremblante : elle avait besoin de lui ! Ce plaisir inespéré lui tourna la tête, il ne vit plus rien, il saisit Béatrix par la ceinture.
— Eh ! bien ? dit-elle d’un air imposant.
— Ne serez-vous jamais à moi ? lui demanda-t-il d’une voix étouffée par un orage de sang.
— Jamais, mon ami, répondit-elle. Je ne puis être pour vous que Béatrix, un rêve. N’est-ce pas une douce chose ? nous n’aurons ni amertume, ni chagrin, ni repentir.
— Et vous retournerez à Conti ?
— Il le faut bien.
— Tu ne seras donc jamais à personne, dit Calyste en poussant la marquise avec une violence frénétique.
Il voulut écouter sa chute avant de se précipiter après elle, mais il n’entendit qu’une clameur sourde, la stridente déchirure d’une étoffe et le bruit grave d’un corps tombant sur la terre. Au lieu d’aller la tête en bas, Béatrix avait chaviré, elle était renversée dans le buis ; mais elle aurait roulé néanmoins au fond de la mer si sa robe ne s’était accrochée à une pointe et n’avait en se déchirant amorti le poids du corps sur le buisson. Mademoiselle des Touches, qui vit cette scène, ne put crier, car son saisissement fut tel qu’elle ne put que faire signe à Gasselin d’accourir. Calyste se pencha par une sorte de curiosité féroce, il vit la situation de Béatrix et frémit : elle paraissait prier, elle croyait mourir, elle sentait le buis près de céder. Avec l’habileté soudaine que donne l’amour, avec l’agilité surnaturelle que la jeunesse trouve dans le danger, il se laissa couler de neuf pieds de hauteur, en se tenant à quelques aspérités, jusqu’à la marge du rocher, et put relever à temps la marquise en la prenant dans ses bras, au risque de tomber tous les deux à la mer. Quand il tint Béatrix, elle était sans connaissance ; mais il la pouvait croire toute à lui dans ce lit aérien où ils allaient rester longtemps seuls, et son premier mouvement fut un mouvement de plaisir.