Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/461

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— Lui chercher querelle à propos de sa rigueur. Une femme est toujours emportée par le discours, fais qu’elle te maltraite, et ne reviens plus aux Touches qu’elle ne t’y rappelle.

Il est un moment, dans toutes les maladies violentes, où le patient accepte les plus cruels remèdes et se soumet aux opérations les plus horribles. Calyste en était arrivé là. Il écouta le conseil de Camille, il resta deux jours au logis ; mais, le troisième, il grattait à la porte de Béatrix en l’avertissant que Camille et lui l’attendaient pour déjeuner.

— Encore un moyen de perdu, lui dit Camille en le voyant si lâchement arrivé.

Béatrix s’était souvent arrêtée pendant ces deux jours à la fenêtre d’où se voit le chemin de Guérande. Quand Camille l’y surprenait, elle se disait occupée de l’effet produit par les ajoncs du chemin, dont les fleurs d’or étaient illuminées par le soleil de septembre. Camille eut ainsi le secret de Béatrix, et n’avait plus qu’un mot à dire pour que Calyste fût heureux, mais elle ne le disait pas : elle était encore trop femme pour le pousser à cette action dont s’effraient les jeunes cœurs qui semblent avoir la conscience de tout ce que va perdre leur idéal. Béatrix fit attendre assez longtemps Camille et Calyste. Avec tout autre que lui, ce retard eût été significatif, car la toilette de la marquise accusait le désir de fasciner Calyste, et d’empêcher une nouvelle absence. Après le déjeuner, elle alla se promener dans le jardin, et ravit de joie cet enfant qu’elle ravissait d’amour en lui exprimant le désir de revoir avec lui cette roche où elle avait failli périr.

— Allons-y seuls, demanda Calyste d’une voix troublée.

— En refusant, répondit-elle, je vous donnerais à penser que vous êtes dangereux. Hélas ! je vous l’ai dit mille fois, je suis à un autre et ne puis être qu’à lui ; je l’ai choisi sans rien connaître à l’amour. La faute est double, double est la punition.

Quand elle parlait ainsi, les yeux à demi mouillés par le peu de larmes que ces sortes de femmes répandent, Calyste éprouvait une compassion qui adoucissait son ardente fureur ; il l’adorait alors comme une madone. Il ne faut pas plus demander aux différents caractères de se ressembler dans l’expression des sentiments qu’il ne faut exiger les mêmes fruits d’arbres différents. Béatrix était en ce moment violemment combattue ; elle hésitait entre elle-même et Calyste, entre le monde où elle espérait rentrer un jour et le