Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/114

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crucifix, ajouta cet homme. Jure-moi devant Dieu qu’il n’y a là personne, je te croirai, je n’ouvrirai jamais cette porte. Madame de Merret prit le crucifix et dit : — Je le jure. — Plus haut, dit le mari, et répète : Je jure devant Dieu qu’il n’y a personne dans ce cabinet. Elle répéta la phrase sans se troubler. — C’est bien, dit froidement monsieur de Merret. Après un moment de silence : — Vous avez une bien belle chose que je ne connaissais pas, dit-il en examinant ce crucifix en ébène incrusté d’argent, et très artistement sculpté. — Je l’ai trouvé chez Duvivier, qui, lorsque cette troupe de prisonniers passa par Vendôme l’année dernière, l’avait acheté d’un religieux espagnol. — Ah ! dit monsieur de Merret en remettant le crucifix au clou, et il sonna. Rosalie ne se fit pas attendre. Monsieur de Merret alla vivement à sa rencontre, l’emmena dans l’embrasure de la fenêtre qui donnait sur le jardin, et lui dit à voix basse : — Je sais que Gorenflot veut t’épouser, la pauvreté seule vous empêche de vous mettre en ménage, et tu lui as dit que tu ne serais pas sa femme s’il ne trouvait moyen de s’établir maître maçon… eh ! bien, va le chercher, dis-lui de venir ici avec sa truelle et ses outils. Fais en sorte de n’éveiller que lui dans sa maison ; sa fortune passera vos désirs. Surtout sors d’ici sans jaser, sinon… Il fronça le sourcil. Rosalie partit, il la rappela. — Tiens, prends mon passe-partout, dit-il. — Jean ! cria monsieur de Merret d’une voix tonnante dans le corridor. Jean, qui était tout à la fois son cocher et son homme de confiance, quitta sa partie de brisque, et vint. — Allez vous coucher tous, lui dit son maître en lui faisant signe de s’approcher ; et le gentilhomme ajouta, mais à voix basse : — Lorsqu’ils seront tous endormis, entends-tu bien ? tu descendras m’en prévenir. Monsieur de Merret, qui n’avait pas perdu de vue sa femme, tout en donnant ses ordres, revint tranquillement auprès d’elle devant le feu, et se mit à lui raconter les événements de la partie de billard et les discussions du Cercle. Lorsque Rosalie fut de retour, elle trouva monsieur et madame de Merret causant très amicalement. Le gentilhomme avait récemment fait plafonner toutes les pièces qui composaient son appartement de réception au rez-de-chaussée. Le plâtre est fort rare à Vendôme, le transport en augmente beaucoup le prix ; le gentilhomme en avait donc fait venir une assez grande quantité, sachant qu’il trouverait toujours bien des acheteurs pour ce qui lui resterait. Cette circonstance lui inspira le dessein qu’il mit à exécution. — Monsieur, Go-