Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/289

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dre détail semblait avoir été l’objet d’un soin pris avec amour. Jamais la richesse ne s’était plus coquettement cachée pour devenir de l’élégance, pour exprimer la grâce, pour inspirer la volupté. Là tout aurait réchauffé l’être le plus froid. Les chatoiements de la tenture, dont la couleur changeait suivant la direction du regard, en devenant ou toute blanche, ou toute rose, s’accordaient avec les effets de la lumière qui s’infusait dans les diaphanes tuyaux de la mousseline, en produisant de nuageuses apparences. L’âme a je ne sais quel attachement pour le blanc, l’amour se plaît dans le rouge, et l’or flatte les passions, il a la puissance de réaliser leurs fantaisies. Ainsi tout ce que l’homme a de vague et de mystérieux en lui-même, toutes ses affinités inexpliquées se trouvaient caressées dans leurs sympathies involontaires. Il y avait dans cette harmonie parfaite un concert de couleurs auquel l’âme répondait par des idées voluptueuses, indécises, flottantes.

Ce fut au milieu d’une vaporeuse atmosphère chargée de parfums exquis que Paquita, vêtue d’un peignoir blanc, les pieds nus, des fleurs d’oranger dans ses cheveux noirs, apparut à Henri agenouillée devant lui, l’adorant comme le dieu de ce temple où il avait daigné venir. Quoique de Marsay eût l’habitude de voir les recherches du luxe parisien, il fut surpris à l’aspect de cette coquille, semblable à celle où naquit Vénus. Soit effet du contraste entre les ténèbres d’où il sortait et la lumière qui baignait son âme, soit par une comparaison rapidement faite entre cette scène et celle de la première entrevue, il éprouva une de ces sensations délicates que donne la vraie poésie. En apercevant, au milieu de ce réduit éclos par la baguette d’une fée, le chef-d’œuvre de la création, cette fille dont le teint chaudement coloré, dont la peau douce, mais légèrement dorée par les reflets du rouge et par l’effusion de je ne sais quelle vapeur d’amour étincelait comme si elle eût réfléchi les rayons des lumières et des couleurs, sa colère, ses désirs de vengeance, sa vanité blessée, tout tomba. Comme un aigle qui fond sur sa proie, il la prit à plein corps, l’assit sur ses genoux, et sentit avec une indicible ivresse la voluptueuse pression de cette fille dont les beautés si grassement développées l’enveloppèrent doucement.

— Viens, Paquita ! dit-il à voix basse.

— Parle ! parle sans crainte, lui dit elle. Cette retraite a été construite pour l’amour. Aucun son ne s’en échappe, tant on y veut