Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/68

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— Et monsieur aussi, dit la femme de chambre en prenant le parti de sa maîtresse.

— Mais il va à la Bourse, monsieur. Voilà pourtant trois fois que je l’avertis qu’il est servi, reprit le valet de chambre après une pause, et c’est comme si l’on parlait à un terne.

Monsieur Jules entra.

— Où est madame ? demanda-t-il.

— Madame va se coucher, elle a la migraine, répondit la femme de chambre en prenant un air important.

Monsieur Jules dit alors avec beaucoup de sang-froid en s’adressant à ses gens : — Vous pouvez desservir, je vais tenir compagnie à madame.

Et il rentra chez sa femme qu’il trouva pleurant, mais étouffant ses sanglots dans son mouchoir.

— Pourquoi pleurez-vous ? lui dit Jules. Vous n’avez à attendre de moi ni violences ni reproches. Pourquoi me vengerais-je ? Si vous n’avez pas été fidèle à mon amour, c’est que vous n’en étiez pas digne…

— Pas digne ! Ces mots répétés s’entendirent à travers les sanglots et l’accent avec lequel ils furent prononcés eût attendri tout autre homme que Jules.

— Pour vous tuer, il faudrait aimer plus que je n’aime peut-être, dit-il en continuant ; mais je n’en aurais pas le courage, je me tuerais plutôt, moi, vous laissant à votre… bonheur et à… à qui ?

Il n’acheva pas.

— Se tuer, cria Clémence en se jetant aux pieds de Jules et les tenant embrassés.

Mais, lui, voulut se débarrasser de cette étreinte et secoua sa femme en la traînant jusqu’à son lit.

— Laissez-moi, dit-il.

— Non, non Jules ! criait-elle. Si tu ne m’aimes plus, je mourrai. Veux-tu tout savoir ?

— Oui.

Il la prit, la serra violemment, s’assit sur le bord du lit, la retint entre ses jambes ; puis regardant d’un œil sec cette belle tête devenue couleur de feu, mais sillonnée de larmes : — Allons, dis, répéta-t-il.

Les sanglots de Clémence recommencèrent.