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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/112

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— Tu ne seras pas déshonoré pour avoir restitué, mais tu perdras ta place, il ne te restera plus que les cinq cents francs de ta croix, et avec cinq cents francs on peut vivre.

— Adieu ! dit Philippe qui descendit rapidement et ne voulut rien entendre.

Joseph quitta son atelier et descendit chez sa mère pour déjeuner ; mais la confidence de Philippe lui avait ôté l’appétit. Il prit la Descoings à part et lui dit l’affreuse nouvelle. La vieille femme fit une épouvantable exclamation, laissa tomber un poëlon de lait qu’elle avait à la main, et se jeta sur une chaise. Agathe accourut. D’exclamations en exclamations, la fatale vérité fut avouée à la mère.

— Lui ! manquer à l’honneur ! le fils de Bridau prendre dans la caisse qui lui est confiée !

La veuve trembla de tous ses membres, ses yeux s’agrandirent, devinrent fixes, elle s’assit et fondit en larmes.

— Où est-il ? s’écria-t-elle au milieu de ses sanglots. Peut-être s’est-il jeté dans la Seine !

— Il ne faut pas vous désespérer, dit la Descoings, parce que le pauvre garçon a rencontré une mauvaise femme, et qu’elle lui a fait faire des folies. Mon Dieu ! cela se voit souvent. Philippe a eu jusqu’à son retour tant d’infortunes, et il a eu si peu d’occasions d’être heureux et aimé, qu’il ne faut pas s’étonner de sa passion pour cette créature. Toutes les passions mènent à des excès ! J’ai dans ma vie un reproche de ce genre à me faire, et je me crois cependant une honnête femme ! Une seule faute ne fait pas le vice ! Et puis, après tout, il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent pas !

Le désespoir d’Agathe l’accablait tellement que la Descoings et Joseph furent obligés de diminuer la faute de Philippe en lui disant que dans toutes les familles il arrivait de ces sortes d’affaires.

— Mais il a vingt-huit ans, s’écriait Agathe, et ce n’est plus un enfant.

Mot terrible et qui révèle combien la pauvre femme pensait à la conduite de son fils.

— Ma mère, je t’assure qu’il ne songeait qu’à ta peine et au tort qu’il te fait, lui dit Joseph.

— Oh ! mon Dieu, qu’il revienne ! qu’il vive, et je lui pardonne tout ! s’écria la pauvre mère à l’esprit de laquelle s’offrit l’horrible tableau de Philippe retiré mort de l’eau.