Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

— Tant mieux, dit Philippe, je compte bien sur le courage de ce drôle pour réussir, car un lâche s’en irait d’Issoudun.

— Hé ! bien, pensez à votre mère qui, pour vous, est d’une adorable tendresse, à votre frère de qui vous avez fait votre vache à lait.

— Ah ! il vous a parlé de ces bêtises ?… s’écria Philippe.

— Allons, ne suis-je pas l’ami de la famille, et n’en sais-je pas plus qu’eux sur vous ?…

— Que savez-vous ? dit Philippe.

— Vous avez trahi vos camarades…

— Moi ! s’écria Philippe. Moi ! l’officier d’ordonnance de l’Empereur ! La chatte !… Nous avons mis dedans la Chambre des Pairs, la Justice, le Gouvernement et toute la sacrée boutique. Les gens du Roi n’y ont vu que du feu !…

— C’est très bien, si c’est ainsi, répondit l’avoué ; mais, voyez vous, les Bourbons ne peuvent pas être renversés, ils ont l’Europe pour eux, et vous devriez songer à faire votre paix avec le ministre de la Guerre… oh ! vous la ferez quand vous vous trouverez riche. Pour vous enrichir, vous et votre frère, emparez-vous de votre oncle. Si vous voulez mener à bien une affaire qui exige tant d’habileté, de discrétion, de patience, vous avez de quoi travailler pendant vos cinq ans…

— Non, non, dit Philippe, il faut aller vite en besogne, ce Gilet pourrait dénaturer la fortune de mon oncle, la mettre au nom de cette fille, et tout serait perdu.

— Enfin, monsieur Hochon est un homme de bon conseil et qui voit juste, consultez-le. Vous avez votre feuille de route, votre place est retenue à la diligence d’Orléans pour sept heures et demie, votre malle est faite, venez dîner ?

— Je ne possède que ce que je porte, dit Philippe en ouvrant son affreuse redingote bleue ; mais il me manque trois choses que vous prierez Giroudeau, l’oncle de Finot, mon ami, de m’envoyer : c’est mon sabre, mon épée et mes pistolets !…

— Il vous manque bien autre chose, dit l’avoué qui frémit en contemplant son client. Vous recevrez une indemnité de trois mois pour vous vêtir décemment.

— Tiens, te voilà, Godeschal ! s’écria Philippe en reconnaissant dans le premier clerc de Desroches le frère de Mariette.

— Oui, je suis avec monsieur Desroches depuis deux mois.