Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/361

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rier, qu’il trouva dans sa salle, riant avec des voisins auxquels il racontait déjà l’histoire.

— Monsieur, dit le prince des Voyageurs en lui jetant des regards enflammés, vous êtes un drôle et un polisson, qui, sous peine d’être le dernier des argousins, gens que je place au-dessous des forçats, devez me rendre raison de l’insulte que vous venez de me faire en me mettant en rapport avec un homme que vous saviez fou. M’entendez-vous, monsieur Vernier le teinturier ?

Telle était la harangue que Gaudissart avait préparée comme un tragédien prépare son entrée en scène.

— Comment ! répondit Vernier que la présence de ses voisins anima, croyez-vous que nous n’avons pas le droit de nous moquer d’un monsieur qui débarque en quatre bateaux dans Vouvray pour nous demander nos capitaux, sous prétexte que nous sommes des grands hommes, des peintres, des poétriaux ; et qui, par ainsi, nous assimile gratuitement à des gens sans le sou, sans aveu, sans feu ni lieu ! Qu’avons-nous fait pour cela, nous pères de famille ? Un drôle qui vient nous proposer des abonnements au Globe, journal qui prêche une religion dont le premier commandement de Dieu ordonne, s’il vous plaît, de ne pas succéder à ses père et mère ! Ma parole d’honneur la plus sacrée, le père Margaritis dit des choses plus sensées. D’ailleurs, de quoi vous plaignez-vous ? Vous vous êtes parfaitement entendus tous les deux, monsieur. Ces messieurs peuvent vous attester que, quand vous auriez parlé à tous les gens du canton, vous n’auriez pas été si bien compris.

— Tout cela peut vous sembler excellent à dire, mais je me tiens pour insulté, monsieur, et vous me rendrez raison.

— Hé ! bien, monsieur, je vous tiens pour insulté, si cela peut vous être agréable, et je ne vous rendrai pas raison, car il n’y a pas assez de raison dans cette affaire-là pour que je vous en rende. Est-il farceur, donc !

À ce mot, Gaudissart fondit sur le teinturier pour lui appliquer un soufflet ; mais les Vouvrillons attentifs se jetèrent entre eux, et l’Illustre Gaudissart ne souffleta que la perruque du teinturier, laquelle alla tomber sur la tête de mademoiselle Claire Vernier.

— Si vous n’êtes pas content, dit-il, monsieur, je reste jusqu’à demain matin à l’hôtel du Soleil-d’or, vous m’y trouverez, prêt à vous expliquer ce que veut dire rendre raison d’une offense ! Je me suis battu en Juillet, monsieur.