Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voilà la vie. Et à propos de cela, quand épousons-nous la Madeleine ? Hé ! hé ! papa Roguin, ajouta-t-il en lui tapant sur le ventre.

Entre hommes la prétention des plus chastes bourgeois est de paraître égrillards.

— Mais si ce n’est pas aujourd’hui, répondit le notaire d’un air diplomatique, ce ne sera jamais. Nous craignons que l’affaire ne s’ébruite, je suis déjà vivement pressé par deux de mes plus riches clients qui veulent se mettre dans cette spéculation. Aussi est-ce à prendre ou à laisser. Passé midi, je dresserai les actes et vous n’aurez la faculté d’y être que jusqu’à une heure. Adieu. Je vais précisément lire les minutes que Xandrot a dû me dégrossir pendant cette nuit.

— Eh ! bien, c’est fait, vous avez ma parole, dit Birotteau en courant après le notaire et lui frappant dans la main. Prenez les cent mille francs qui devaient servir à la dot de ma fille.

— Bien, dit Roguin en s’éloignant.

Pendant l’instant que Birotteau mit à revenir auprès du petit Popinot, il éprouva dans ses entrailles une chaleur violente, son diaphragme se contracta, ses oreilles tintèrent.

— Qu’avez-vous, monsieur ? lui demanda le commis en voyant à son maître le visage pâle.

— Ah ! mon garçon, je viens de conclure par un seul mot une grande affaire, personne n’est maître de ses émotions en pareil cas. D’ailleurs tu n’y es pas étranger. Aussi, t’ai-je amené ici pour y causer plus à l’aise, personne ne nous écoutera. Ta tante est gênée, à quoi donc a-t-elle perdu son argent ? dis-le-moi.

— Monsieur, mon oncle et ma tante avaient leurs fonds chez monsieur de Nucingen, ils ont été forcés de prendre en remboursement des actions dans les mines de Worstchin qui ne donnent pas encore de dividende, et il est difficile à leur âge de vivre d’espérance.

— Mais avec quoi vivent-ils ?

— Ils m’ont fait le plaisir d’accepter mes appointements.

— Bien, bien, Anselme, dit le parfumeur en laissant voir une larme qui roula dans ses yeux, tu es digne de l’attachement que je te porte. Aussi vas-tu recevoir une haute récompense de ton application à mes affaires.

En disant ces paroles, le négociant grandissait autant à ses pro-