— Je craignais que vous ne vinssiez jamais, répondit Popinot d’un air respectueux.
Les commis accoururent voir le grand homme de la parfumerie, l’adjoint décoré, l’associé de leur patron. Ces muets hommages flattèrent le parfumeur. Birotteau, naguère si petit chez les Keller, éprouva le besoin de les imiter ; il se caressa le menton, sursauta vaniteusement à l’aide de ses talons, en disant ses banalités.
— Eh ! bien, mon ami, se lève-t-on de bonne heure, lui demanda-t-il.
— Non, l’on ne se couche pas toujours, dit Popinot, il faut se cramponner au succès…
— Eh ! bien, que disais-je ? mon huile est une fortune.
— Oui, monsieur, mais les moyens d’exécution y sont pour quelque chose : je vous ai bien monté votre diamant.
— Au fait, dit le parfumeur, où en sommes-nous ? Y a-t-il des bénéfices ?
— Au bout de vingt jours, s’écria Popinot, y pensez-vous ? L’ami Gaudissart n’est en route que depuis treize jours, et a pris une chaise de poste sans me le dire. Oh ! il est bien dévoué, nous devons beaucoup à mon oncle ! Les journaux, dit-il à l’oreille de Birotteau, nous coûteront douze mille francs.
— Les journaux, s’écria l’adjoint.
— Vous ne les avez donc pas lus ?
— Non.
— Vous ne savez rien alors, dit Popinot.
— Vingt mille francs d’affiches, cadres et impressions ; cent mille bouteilles achetées, tout est sacrifice en ce moment. La fabrication se fait sur une grande échelle. Si vous aviez mis le pied au faubourg où j’ai souvent passé les nuits, vous auriez vu un petit casse-noisette de mon invention qui n’est pas piqué des vers. Pour mon compte, j’ai fait ces cinq derniers jours dix mille francs rien qu’en commissions sur les huiles de droguerie.
— Quelle bonne tête, dit Birotteau en posant sa main sur les cheveux du petit Popinot et les remuant comme si Popinot était un bambin. Je l’ai deviné. Plusieurs personnes entrèrent. — À dimanche, nous dînons chez ta tante Rangon, dit Birotteau qui laissa Popinot à ses affaires en voyant que la chair fraîche qu’il était venu sentir n’était pas découpée. Est-ce extraordinaire ! Un commis devient négociant en vingt-quatre heures, pensait Birotteau qui ne