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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac (éd. M. Levy), tome 20, 1870.djvu/632

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gistrales, produit une sorte de vivacité nerveuse qui ressemble à celle de la colère : le verbe s’élève, les gestes expriment une impatience maladive ; on veut que tout aille, trottent les idées ; on est braque, rageur pour des riens, on arrive à ce variable caractère du poëte tant accusé par les épiciers ; on prête à autrui la lucidité dont on jouit. Un homme d’esprit doit alors se bien garder de se montrer ou de se laisser approcher. J’ai découvert ce singulier état par certains hasards qui me faisaient perdre sans travail l’exaltation que je me procurais. Des amis, chez qui je me trouvais à la campagne, me voyaient hargneux et disputailleur, de mauvaise foi dans les discussions. Le lendemain, je reconnaissais mes torts, et nous en cherchions la cause. Mes amis étaient des savants du premier ordre, nous l’eûmes bientôt trouvée : le café voulait une proie.

Non seulement ces observations sont vraies et ne subissent d’autres changements que ceux qui résultent des différentes idiosyncrasies, mais elles concordent avec les expériences de plusieurs praticiens, au nombre desquels est l’illustre Rossini, l’un des hommes qui ont le plus étudié des lois du goût, un héros digne de Brillat-Savarin.

Observation. — Chez quelques natures faibles, le café produit au cerveau une congestion sans danger ; au lieu de se sentir activées, ces personnes éprouvent de la somnolence, et disent que le café les fait dormir. Ces gens peuvent avoir des jambes de cerf, des estomacs d’autruche, mais ils sont mal outillés pour les travaux de la pensée. Deux jeunes voyageurs, MM. Combes et Tamisier, ont trouvé les Abyssiniens généralement impuissants : les deux voyageurs n’hésitent pas à regarder l’abus du café, que les Abyssiniens poussent au dernier degré, comme la cause de cette disgrâce. Si ce livre passe en Angleterre, le gouvernement anglais est prié de résoudre cette grave question sur le premier condamné qu’il aura sous la main, pourvu que ce ne soit ni une femme ni un vieillard.

Le thé contient également du tannin, mais le sien a des vertus narcotiques ; il ne s’adresse pas au cerveau ; il agit sur les plexus seulement et sur les intestins qui absorbent plus spécialement et plus rapidement les substances narcotiques. La manière de