Page:Œuvres complètes de Juvénal et de Perse, 1861.djvu/243

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ta vie. Vois ce port et cette mer couverte de vaisseaux : déjà la terre a moins d'habitants que les humides plaines. Une nouvelle flotte va se précipiter partout où l'appellera l'espoir du gain ; elle ne franchira pas seulement les mers de Carpathie et d'Afrique ; mais, laissant loin derrière elle les colonnes d'Hercule, elle pénétrera jusqu'aux lieux où le Soleil éteint son flambeau dans les ondes frémissantes. Pourquoi tant de fatigues ? Pour revenir, la bourse pleine, ravi d'étaler des sacs gonflés d'or, et fier d'avoir vu les monstres marins et les tritons.

Chaque mortel a sa manie : l'un se figure que les Furies, armées de flambeaux, le poursuivent jusque dans les bras de sa soeur ; l'autre, assommant un boeuf, croit entendre gémir Ulysse ou bien Agamemnon. Mais l'avare, quoi qu'il ne déchire pas en furieux sa tunique et son manteau, en a-t-il moins besoin de curateur, lui qui surcharge son vaisseau de marchandises, et qui ne met entre la mort et lui que l'épaisseur d'une planche, lui qui n'affronte tant de maux et tant de périls que pour quelques pièces d'argent à la marque du prince ? Le ciel s'obscurcit, la foudre gronde : «Détachez le cable ! s'écrie néanmoins le marchand de poivre ou de blé : cet horizon rembruni,