Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/118

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point dédaigné de vivre prèz du troupeau confié à vos soins ; loin de lui vous auriez cru languir dans un triste exil : eh ! qu’auriez-vous cherché dans le séjour du luxe et des grandeurs ? trouver dans une authorité sacrée et dans un immense revenu mille moiens de contribuer au bonheur d’une vaste contrée ; etre, au milieu des peuples, comme un ange tutélaire, qui soulage la misère, encourage la vertu, fait régner l’ordre et la paix avec les mœurs et la religion, dont il étendroit l’empire par le seul respect qu’inspire sa personne ; cette destinée vous paroissoit assez belle, et votre grande ame ne soupçonnoit pas même qu’il put en exister un autre plus digne de ses vœux. Illustre prélat, recevez l’hommage de toutes les âmes honnêtes et sensibles ; la vertu chez vous n’eût rien de la rudesse que lui prête quelques fois une humeur dure et sauvage ; severe envers vous même, vous fûtes indulgent pour les autres ; Votre zele étoit pur ; votre cœur étoit doux, votre esprit aimable et éclairé ; votre vie fut le modèle des peuples soumis à votre authorité et votre mort fut honorée de leurs larmes. Qu’il étoit difficile de les consoler de votre perte ? Vous avez sçu du moins laisser un puissant motif d’adoucir leurs regrets, dans le zèle et dans la piété d’un prélat, dèz lontems associé par vous même à vos nobles travaux : c’étoit la destinée de l’église d’Amiens d’être gouvernée successivement par des eveques faits pour donner à un siècle corrompu le spectacle des vertus qui ont illustré le berceau du christianisme.

J’ai trop cédé peut être au sentiment qui vient d’entrainer ma plume : mais non, Messieurs ; un hommage rendu à l’illustre ami de Gresset n’est point étranger à son éloge ; et j’oserai toujours compter sur votre indulgence pour un écart, qui auroit sa source dans l’admiration qu’ont droit de m’inspirer les objets de vos regrets et de votre amour.

Quoiqu’un homme qui trouvoit en lui même la paix et le bonheur dût être peu tourmenté par le désir de la célébrité, le goût des lettres ne laissa jamais les talens de notre poète absolument oisifs.