Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/150

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ma plume ; mais non, Messieurs, un hommage rendu à l’illustre ami de Gresset, n’est point étranger à son éloge ; et j’oserai toujours compter sur votre indulgence pour un écart qui auroit sa source dans un juste sentiment d’admiration pour les objets de votre amour et de vos regrets.

Quoiqu’un homme qui trouvoit en lui-même la paix et le bonheur, dût être peu tourmenté par le désir de la célébrité, le goût des lettres ne laissa jamais les talens de Gresset absolument oisifs.

Un événement intéressant avoit réveillé sa muse. Ce Prince étonnant qui avoit fixé l’attention de l’Europe, lorsqu’il n’étoit encore que l’héritier de la Couronne de Prusse, venoit de monter sur un Trône fondé par la politique de son père, et qu’il devoit lui-même affermir et illustrer par des prodiges de courage et de génie. L’enthousiasme de Gresset s’alluma pour un tel héros. Il reprit la lyre pour annoncer ses hautes destinées sur un ton digne de la gloire du Poëte et de celle du Monarque.

Ce Prince pour qui nul des grands talens qui brilloient en Europe n’étoit étranger, sçut apprécier à-la fois et ses éloges et son génie. Plusieurs Rois avant lui, avoient honoré les Sçavans par des largesses. Frédéric sçut donner à Gresset une preuve d’estime plus flatteuse et plus décisive ; il composa lui-même une Ode à sa louange, et lui accorda l’honneur d’être célébré à la face de l’Europe par un grand Roi et par un Héros. C’est ainsi que l’on vit, pour la première fois, peut-être, la poésie, dont la plus ordinaire fonction paroît être de flatter les Princes, employée par un Souverain à honorer le mérite d’un particulier. Pour produire ce phénomène, il falloit à la fois un Monarque, qui au talent de vaincre et de régner, sçût joindre encore le talent d’écrire, avec un noble enthousiasme pour les lettres, et un homme de lettres digne de justifier un si éclatant hommage de la part d’un tel Monarque.

Parlerai-je, Messieurs, des charmantes productions dont Gresset n’a pas fait présent au Public ; mais dont vous fûtes