habitude même de faire dépendre l’estime que l’on accorde à un citoien de l’ancienneté de son origine, de l’illustration de sa famille, de la grandeur de ses alliances a déjà des rapports assez sensibles avec le préjugé dont je parle[1]. La même tournure d’esprit qui fait que l’on respecte un homme, parce qu’il est né d’un père noble ; qu’on le dédaigne parce qu’il sort de parens obscurs conduit naturellement à le mépriser, lorsqu’il a reçu le jour d’un homme flétri, où qu’il l’a donné à un scélérat.
Combien d’autres circonstances particulières ont pu augmenter l’influence de ces causes générales dans les monarchies modernes et particulièrement[2] en France.
Les anciennes loix françoises ne punissoient les crimes des nobles que par la perte de leurs privilèges : les peines corporelles[3] étoient réservées pour le roturier où vilain. Dans la suite le clergé fut aussi affranchi par ses prérogatives de celle dernière espèce de punition : quel obstacle pouvoit trouver alors le préjugé qui deshonoroit les familles de ceux qui étoient condamnés au supplice ? il ne s’attachoit qu’à cette partie de la nation, avilie pendant tant de siècles[4] par la plus dure et la plus honteuse servitude.
S’il eut attaqué les deux corps qui dominoient dans l’état ; s’il eut mis en danger l’honneur des seuls citoiens dont les droits parussent alors dignes d’être respectés ; il est probable qu’il auroit été bientôt anéanti.
Nous avons d’autant plus de raison de le croire, qu’il n’a jamais pu étendre son empire jusqu’aux grandes maisons du royaume : aujourd’hui que les nobles sont[5] soumis aux peines[6] corporelles, la famille d’un illustre coupable échappe encore au deshonneur ; tandis que le gibet fletrit pour jamais[7] les parens du roturier, le fer qui abbat la tête d’un grand n’imprime aucune tache à sa postérité.
Mais par une[8] raison contraire cette opinion cruelle