Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/75

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a été aperçu. L’originalité d’un penseur ou d’un écrivain ne peut pas être dans ses principales idées, qui peuvent se trouver ailleurs, et même par-tout ; mais dans les conséquences où elles le mènent, dans le système où il les fond et les lie, dans les développemens qu’il leur donne. Presque toutes les idées de Rousseau, qui se détachent le plus aisément, et sont dans Plutarque, Montagne, Hobbes, Locke. Recherchez-les dans ces écrivains ; relisez-les ensuite dans Rousseau, et voyez si elles ne lui appartiennent pas. Avant ces auteurs, elles existaient dans le bon sens éternel, et sans eux, il les aurait trouvées. On peut, ce me semble, poser ici une règle générale : puisque les hommes se rencontrent dans les mêmes idées, autant qu’ils se les empruntent, ce n’est point par-là qu’on peut les différencier ; mais par les développemens et les résultats, où ils ne peuvent se ressembler, que bien rarement.

Le programme de l’Académie avait parfaitement divisé le sujet. Quelle est l’origine du préjugé ? Produit-il plus de mal que de bien ? Quels seraient les moyens de le modifier ou de le détruire ? M. de Robespierre a suivi ce plan.

L’origine du préjugé était la partie du sujet la plus difficile à traiter. On sait seulement, qu’il est très-ancien dans notre nation. Mais notre histoire ne nous met jamais sur ses traces. Ce n’est pas là la seule difficulté. Le préjugé a-t-il existé dans d’autres tems, d’autres gouvernemens ? Voilà ce qu’il faut encore expliquer, et ce qui est encore moins éclairci par les monumens antiques. C’est une histoire qu’il faut écrire sur des matériaux qui n’existent pas ; mais auxquels il faut donner, en les créant, cette vraisemblance qui représente la vérité, comme l’a dit très spirituellement un de nos premiers écrivains. On ne peut y réussir qu’en analysant, avec une saine métaphysique, le fond de la constitution sociale et les faits généraux de l’histoire. Bien des gens ont cru que cette recherche n’était que curieuse, il m’a semblé que si elle était bien faite, elle devait fournir les meilleures vues, pour apprécier le préjugé et pour l’abolir. Je l’ai traitée avec tout le soin dont j’étais capable ; M. de Robespierre ne l’a pas négligée ; mais il n’a pas pris cette histoire de si haut, et ne l’a pas conduite si loin. Cependant, il s’est arrêté avec étendue sur la question de savoir, si le préjugé a existé dans les républiques anciennes, et s’il peut s’allier avec les gouvernemens