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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

garanti la trahison de tous les chefs de notre gouvernement & de {g) nos années ; pour justifier cette odieuse entreprise aux yeux de leurs sujets épuisés, il falloit leur épargner jusqu’à l’embarras de nous déclarer la guerre. Quand ils furent prêts, la faction dominante la leur déclara à eux-mêmes. Vous vous rappelez avec quelle astuce profonde elle sut intéresser au succès de ses perfides projets le courage naturel des Français & l’enthousiasme civique des Sociétés populaires. Vous savez avec quelle impudence machiavélique ceux qui laissoient nos gardes nationales sans armes, nos places fortes sans munitions, nos armées entre les mains des traîtres, nous excitoient à aller planter l’étendard tricolore jusque sur les bornes du monde. Déclamateurs perfides, ils insultoient aux tyrans, pour les servir ; d’un seul trait de plume, ils renversoient tous les trônes, & ajoutoient l’Europe à l’empire français ; moyen sûr de hâter (h) le succès des intrigues de nos ennemis, dans le moment où ils pressoient tous les gouvememens de se déclarer (i) contre nous.

Les partisans sincères de la République avoient d’autres pensées. Avant de briser les chaînes de l’univers, ils vouloient assurer la liberté de leur pays ; avant de porter la guerre chez les despotes étrangers, ils vouloient la faire au tyran qui les trahissoit ; convaincus d’ailleurs qu’un roi étoit un mauvais guide pour conduire un peuple à la conquête de la liberté universelle, & que c’est à la puissance de la raison, non à la force des armes, de propager les principes de notre glorieuse Révolution.

Les amis de la liberté cherchèrent de tout temps les moyens les plus sûrs de la faire triompher : les agens de nos ennemis ne l’embrassent que pour l’assassiner, tour-à-tour extravagans ou modérés, prêchant la foiblesse & le sommeil où il faut de la vigilance & du courage, la témérité & l’exagération où il s’agit de prudence & de circonspection. Ceux qui, à la fin de 1791, vouloient briser tous les sceptres du monde, sont les mêmes qui, au mois d’août 1792, s’efforcèrent de parer le coup qui fit tomber celui du tyran. Le char de la Révolution roule sur un terrain inégal : ils ont voulu l’enrayer dans les chemins faciles ; ils le précipitent avec violence dans les routes périlleuses ; ils cherchent à le briser contre le but.

Tel est le caractère des faux patriotes, telle est la mission des émissaires stipendiés par les cours étrangères. Peuple, tu pourras les distinguer à ces traits.

Voilà les hommes qui naguères encore régloient les relations de la France avec les autres nations. Reprenons le fil de leurs machinations.

Le moment étoit arrivé où le gouvernement britannique, après nous avoir suscité tant d’ennemis, avoit résolu d’entrer lui-même ouvertement dans la ligue ; mais le vœu national & le parti de l’opposition contrarioient ce projet du ministère. Brissot lui fit déclarer la