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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

Il est bon de vous observer que jamais il n’a été question de Neufchâtel au Comité de salut public.

Cependant il paroît qu’à Neufchâtel on a été alarmé par ces impostures grossières de nos ennemis, comme le prouve une lettre, en date du 6 novembre (vieux style), adressée à notre ambassadeur en Suisse, au nom de l’état de Zurich, par le bourgmestre de cette ville. Cette lettre, en communiquant à l’agent de la République les inquiétudes qu’a montrées la principauté de Neufchâtel, contient les témoignages les plus énergiques de l’amitié du canton de Zurich pour la nation française & de sa confiance dans les intentions du gouvernement.

Croiriez-vous que vos ennemis ont encore trouvé le moyen de pousser plus loin l’impudence ou la stupidité ? Eh bien ! il faut vous dire qu’au moment où je parle, les gazettes allemandes ont répandu partout la nouvelle que le Comité de salut public avoit résolu de faire déclarer la guerre aux Suisses, & que je suis chargé, moi, de vous faire un rapport (x) pour remplir cet objet.

Mais, afin que vous puissiez apprécier encore mieux la foi (y) anglaise & autrichienne, nous vous apprendrons qu’il y a plus d’un mois il avoit été fait au Comité de salut public une proposition qui offroit à la France un avantage infiniment précieux dans les circonstances où nous étions : pour l’obtenir, il ne s’agissoit que de fciire une invasion dans un petit État enclavé dans notre territoire, & allié de la Suisse ; mais cette proposition étoit injuste, & contraire à la foi des traités ; nous la rejettâmes avec indignation.

Au reste, les Suisses ont su éviter les pièges que leur tendoient nos ennemis communs ; ils ont (z) facilement senti que les griefs qui pouvoient s’être élevés étoient en partie l’effet des mouvemens oreigeux, inséparables d’une grande révolution, en partie celui d’une malveillance également dirigée contre la France & contre les cantons (aa). La sagesse helvétique a résisté à la fois aux sollicitations des Français fugitifs, aux caresses perfides de l’Autriche, & aux intrigues de toutes les cours confédérées. Quelques cantons se sont bornés à présenter amicalement leurs réclamations au gouvernement français ; le Comité de salut public s’en étoit occupé d’avance. Il a résolu non-seulement de faire cesser les causes des justes griefs que ce peuple estimable peut avoir, mais de lui prouver, par tous les moyens qui peuvent se concilier avec la défense de notre liberté, les sentimens de bienveillance & de fraternité dont la nation française est animée envers les autres peuples, & sur-tout envers ceux que leur caractère rend dignes de son alliance. Il suivra les mêmes principes envers toutes les nations amies. Il vous proposera des mesures fondées sur cette base. Au reste, la seule exposition que je viens de faire de vos principes, la garantie des maximes raisonnables qui dirigent notre gouvernement, déconcertera les trames ourdies dans l’ombre depuis long-temps. Tel est l’avantage d’une République puissante : sa diplomatie est dans sa bonne foi ; & comme un