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Les discours de Robespierre

honnête homme peut ouvrir impunément à ses concitoyens son cœur & sa maison, un peuple libre peut dévoiler aux nations toutes les bases de sa politique.

Quel que soit le résultat de ce plan de conduite, il ne peut être que favorable à notre cause ; & s’il arrivoit qu’un génie ennemi de l’humanité poussât le gouvernement de quelques nations neutres dans le parti de nos ennemis communs, il trahiroit le peuple qu’il régit, sans servir les tyrans. Du moins nous serions plus forts contre lui de sa propre bassesse & de notre loyauté ; car la justice est une grande partie de la puissance. Mais il importe dès ce moment d’embrasser d’une seule vue le tableau de l’Europe ; il faut nous donner ici le spectacle du monde politique qui s’agite autour de nous & à cause de nous. Dès le moment où on forma le projet d’une ligue contre la France, on songea à intéresser les diverses puissances par un projet de partage de cette belle contrée. Ce projet est aujourd’hui prouvé non-seulement par les évènemens, mais par des pièces authentiques. À l’époque où le Comité de salut public fut formé, un plan d’attaque & de démembrement de la France, projette par le cabinet britannique, fut communiqué aux membres qui le composoient alors. On y fît peu d’attention dans ce temps-là, parce qu’il paroissoit peu vraisemblable, & que la défiance pour ces sortes de confidences est assez naturelle. Les faits, depuis cette époque, les vérifièrent chaque jour.

L’Angleterre ne s’étoit pas oubliée dans ce partage : Dunkerque, Toulon, les colonies, sans compter la chance de la couronne pour le duc d’York, à laquelle on ne renonçoit pas, mais dont on sacrifioit les portions qui dévoient former le lot des autres puissances. Il n’étoit pas difficile de faire entrer dans la ligue le Stathouder de Hollande, qui, comme on sait, est moins le prince des Bataves que le sujet de sa femme, et par conséquent de la cour de Berlin. Quant au phénomène politique de l’alliance du roi de Prusse lui-même avec le chef de la maison d’Autriche, nous l’avons déjà expliqué. Comme deux brigands qui se battoient pour partager les dépouilles d’un voyageur qu’ils ont assassiné, oublient leur querelle pour courir ensemble à une nouvelle proie, ainsi le monarque de Vienne & celui de Berlin suspendirent leurs anciens difîérens pour tomber sur la France, & pour dévorer la République naissante. Cependant le concert apparent de ces deux puissances cache une division réelle. L’Autriche pourroit bien être ici la dupe du cabinet prussien et de ses autres alliés.

La maison d’Autriche, épuisée par les extravagances de Joseph II & de Léopold, jetée depuis longtemps hors des règles de la politique de Charles-Quint, de Philippe II & des vieux ministres de Marie-Thérèse ; l’Autriche, gouvernée aujourd’hui par les caprices & par l’ignorance d’une cour d’enfans, expire dans le Hainaut français & dans la Belgique. Si nous ne la secondons pas nous-mêmes par notre