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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

imprudence, ses derniers efforts contre la France peuvent être regardés comme les convulsions de son agonie. Déjà l’impératrice de Russie & le roi de Prusse viennent de partager la Pologne sans elle, & lui ont présenté, pour tout dédommagement, les conquêtes qu’elle feroit en France avec leur secours : c’est-à-dire la Lorrciine, l’Alsace & la Flandre française. L’Angleterre encourage sa folie, pour nous ruiner, en la perdant elle-même. Elle cherche à ménager ses forces aux dépens de son allié, & marche à son but particulier, en lui laissant, autant qu’il est possible, tout le poids de la guerre. D’un autre côté, le Roussillon, la Navarre française & les départemens limitrophes de l’Espagne ont été promis à Sa Majesté catholique.

Il n’y a pas jusqu’au petit roi sarde que l’on n’ait bercé de l’espoir de devenir un jour roi du Dauphiné, de la Provence & des pays voisins de ses anciens Etats.

Que pouvoit-on offrir aux puissances d’Italie, qui ne peuvent survivre à la perte de la France ? Rien. Elles ont long-temps résisté aux sollicitations de la ligue ; mais elles ont cédé à l’intrigue, ou plutôt aux ordres du ministère anglais qui les menaçoit des flottes de l’Angleterre. Le territoire de Gênes a été le théâtre d’un crime dont l’histoire de l’Angleterre peut seule offrir un exemple. Des vaisseaux de cette nation, joints à des vaisseaux français livrés par les traiîtres de Toulon, sont entrés dans le port de Gênes ; aussitôt les scélérats qui les montoient, Anglois et Français rebelles, se sont emparés des bâtimens de la République qui étoient dans ce port sous la sauve-garde du droit des gens ; & tous les Français qui s’y trouvoient ont été égorgés. Qu’il est lâche ce Sénat de Gênes, qui n’est pas mort tout entier pour prévenir ou pour venger cet outrage, qui a pu trahir à-la-fois l’honneur, le peuple génois & l’humanité entière[1] !

Venise, plus puissante & en même temps plus politique, a conservé une neutralité utile à ses intérêts. Florence, celui de tous les états d’Italie à qui le triomphe de nos ennemis seroit le plus fatal, a été enfin subjuguée par eux, & entraînée malgré elle à sa ruine. Ainsi le despotisme pèse jusques sur ses complices, & les tyrans armés contre la République sont les ennemis de leurs propres alliés. En général, les puissances italiennes sont peut-être plus dignes de la pitié que de la colère de la France : l’Angleterre les a recrutées comme ses matelots ; elle a exercé la presse contre les peuples d’Italie. Le plus coupable des princes de cette contrée est ce roi de Naples, qui s’est montré digne du sang des Bourbons, en embrassant leur cause. Nous pourrons un jour vous lire à ce sujet une lettre écrite de sa main à son cousin le catholique, qui servira du moins à vous prouver que la terreur n’est

  1. D’après le Journal de Perlet {n° 422, p. 888) : «la Convention tout entière a partagé l’indignation dont était ici pénétré l’orateur».