Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 10.djvu/281

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la vérité. Les rois et les frippons chercheront toujours à l’effacer ; ils ne veulent point avoir affaire avec la raison ni avec la vérité. En indiquant les devoirs du gouvernement révolutionnaire, nous avons marqué ses écueils. Plus son pouvoir est grand, plus son action est libre et rapide, plus il doit être dirigé par la bonne-foi. Le jour où il tombera dans des mains impures ou perfides, la liberté sera perdue ; son nom deviendra le prétexte et l’excuse de la contre-révolution même ; son énergie sera celle d’un poison violent.

Aussi la confiance du peuple français est-elle attachée au caractère que la Convention nationale a montré, plus qu’à l’institution même. En plaçant toute la puissance dans vos mains, il a attendu de vous que votre gouvernement seroit bienfaisant pour les patriotes, autant que redoutable aux ennemis de la patrie. Il vous a imposé le devoir de déployer en même-tems tout le courage et la politique nécessaires pour les écraser, et sur-tout d’entretenir parmi vous l’union dont vous avez besoin pour remplir vos grandes destinées.

La fondation de la République française n’est point un jeu d’enfant. Elle ne peut être l’ouvrage du caprice ou de l’insouciance, ni le résultat fortuit du choc de toutes les prétentions particulières, et de tous les élémens révolutionnaires. La sagesse, autant que la puissance, présida à la création de l’univers. En imposant à des membres tirés de votre sein la tâche redoutable de veiller sans cesse sur les destinées de la patrie, vous vous êtes donc imposé vous-mêmes la loi de leur prêter l’appui de votre force et de votre confiance. Si le gouvernement révolutionnaire n’est secondé par l’énergie, par les lumières, par le patriotisme et par la bienveillance de tous les représentans du peuple, comment aura-t-il une force de réaction proportionnée aux efforts de l’Europe qui l’attaque, et de tous les ennemis de la liberté qui pressent sur lui de toutes parts ? Malheur à nous, si nous ouvrons nos âmes aux perfides insinuations de nos ennemis, qui ne peuvent nous vaincre qu’en nous divisant ! Malheur à nous si nous brisons le faisceau, au lieu de le resserrer ; si les intérêts privés, si la vanité offensée se fait entendre à la place de la patrie et de la vérité !

Élevons nos âmes à la hauteur des vertus républicaines et des exemples antiques. Thémistocle avoit plus de génie que le Général lacédémonien (c) qui commandoit la flotte des Grecs : cependant, quand celui-ci, pour réponse à un avis nécessaire qui devoit sauver la patrie, leva son bâton pour le frapper, Thémistocle se contenta de lui répliquer : « Frappe, mais écoute», et la Grèce triompha du tyran de l’Asie. Scipion valoit bien un autre général romain : Scipion, après avoir vaincu Annibal et Carthage, se fit une gloire de servir sous les ordres de son ennemi. vertu des grands cœurs ! que sont devant toi toutes les agitations de l’orgueil et toutes les prétentions des petites âmes ? vertu, es-tu moins nécessaire pour fonder une République, que pour la gouverner dans la paix ? patrie, as-tu moins de droits sur les représentans du peuple