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Les discours de Robespierre

peuple, que la République est proscrite et la tyrannie rétablie ? Et quelle tyrannie plus odieuse que celle qui punit le peuple dans la personne de ses défenseurs ? Car la chose la plus libre qui soit dans le monde, même sous le règne du despotisme, n’est-ce pas l’amitié ? Mais vous, qui nous en faites un crime, en êtes-vous jaloux ? Non, vous ne prisez que l’or et les biens périssables que les tyrans prodiguent à ceux qui les servent. Vous les servez, vous qui corrompez la morale publique et protégez tous les crimes ; la garantie des conspirateurs est dans l’oubli des principes et dans la corruption ; celle des défenseurs de la liberté est dans la conscience publique. Vous les servez, vous qui, toujours en deçà ou delà de la vérité, prêchez tout à tour la perfide modération de l’aristocratie, et tantôt la fureur des faux démocrates. Vous les servez, prédicateurs obstinés de l’athéisme et du vice. Vous voulez détruire la représentation, vous qui la dégradez par votre conduite ou qui la troublez par vos intrigues. Lequel est le plus coupable, de celui qui attente à sa sûreté par la violence, ou de celui qui attente à sa justice par la séduction et par la perfidie ? La tromper, c’est la trahir ; la pousser à des actes contraires à ses intentions et à ses principes, c’est tendre à sa destruction ; car sa puissance est fondée sur la vertu même et sur la confiance nationale. Nous la chérissons, nous qui, après avoir combattu pour sa sûreté physique, défendons aujourd’hui sa gloire et ses principes ! Est-ce ainsi que l’on marche au despotisme ? Mais quelle dérision cruelle d’ériger en despotes des citoyens toujours proscrits ! Et que sont autre chose ceux qui ont constamment défendu les intérêts de leur pays ? La République a triomphé, jamais ses défenseurs. Qui suis-je, moi qu’on accuse ? Un esclave de la liberté, un martyr vivant de la République, la victime autant que l’ennemi du crime. Tous les fripons m’outragent ; les actions les plus indifférentes, les plus légitimes de la part des autres, sont des crimes pour moi. Un homme est calomnié dès qu’il me connaît. On pardonne à d’autres leurs forfaits ; on me fait un crime de mon zèle. Otez-moi ma conscience, je suis le plus malheureux de tous les hommes ; je ne jouis pas même des droits du citoyen. Que dis-je ? il ne m’est pas même permis de remplir les devoirs d’un représentant du peuple. C’est ici que je dois laisser échapper la vérité et dévoiler les véritables plaies de la République. Les affaires publiques reprennent une marche perfide et alarmante ; le système combiné des Hébert et des Fabre d’Eglantine est poursuivi maintenant avec une audace inouïe ; les contre-révolutionnaires sont protégés ; ceux qui déshonorent la Révolution avec les formes de l’hébertisme le font ouvertement ; les autres, avec plus de réserve. Le patriotisme et la liberté sont proscrits par les uns et par les autres. On veut détruire le gouvernement révolutionnaire pour immoler la patrie aux scélérats qui la déchirent, et on marche à ce but odieux par deux routes différentes : ici, on calomnie ouvertement les institutions révolutionnaires ; là, on cherche