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Séance du 8 thermidor An II

à les rendre odieuses par des excès ; on tourmente les hommes nuls ou paisibles ; on plonge chaque jour les patriotes dans les cachots, et l’on favorise l’aristocratie de tout son pouvoir ; c’est là ce qu’on appelle indulgence, humanité. Est-ce là le gouvernement révolutionnaire que nous avons institué et défendu ? Non, ce gouvernement est la marche rapide et sûre de la justice, c’est la foudre lancée par la main de la liberté contre le crime ; ce n’est pas le despotisme des fripons et de l’aristocratie ; ce n’est pas l’indépendance du crime, de toutes les lois divines et humaines. Sans le gouvernement révolutionnaire, la République ne peut s’affermir, et les factions l’étoufferont dans son berceau ; mais, s’il tombe en des mains perfides, il devient lui-même l’instrument de la contre-révolution. Or, on cherche à le dénaturer pour le détruire. Ceux qui le calomnient et ceux qui le compromettent par des actes d’oppression sont les mêmes hommes. Je ne développerai point toutes les causes de ces abus ; mais je vous en indiquerai une seule, qui suffira pour vous expliquer tous ces funestes effets : elle existe dans l’excessive perversité des agents subalternes d’une autorité respectable constituée dans votre sein. Il est dans ce Comité[1] des hommes dont il est impossible de ne pas chérir et respecter les vertus civiques ; c’est une raison de plus de détruire un abus qui s’est commis à leur insu, et qu’ils seront les premiers à combattre. En vain une funeste politique prétendrait-elle environner les agents dont je parle d’un certain prestige superstitieux ; je ne sais pas respecter des fripons ; j’adopte bien moins encore cette maxime royale, qu’il est utile de les employer ; les armes de la liberté ne doivent être touchées que par des mains pures ; épurons la surveillance nationale au lieu d’en pallier[2] les vices. La vérité n’est un écueil que pour les gouvernements corrompus ; elle est l’appui du nôtre. Pour moi, je frémis quand je songe que des ennemis de la Révolution, que d’anciens professeurs de royalisme, que des ex-nobles, des émigrés peut-être, se sont tout à coup faits révolutionnaires et transformés en commis du Comité de sûreté générale pour se venger sur les amis de la patrie de la naissance et des succès de la République. Il serait assez étrange que nous eussions la bonté de payer des espions de Londres ou de Vienne pour nous aider à faire la police de la République. Or, je ne doute pas que ce cas-là ne soit souvent arrivé. Ce n’est pas que ces gens-là ne se soient fait des titres de patriotisme en arrêtant des aristocrates prononcés ; qu’importe à l’étranger de sacrifier quelques Français coupables envers leur patrie, pourvu qu’ils immolent les patriotes et détruisent la République ?

A ces puissants motifs, qui m’avaient déjà déterminé à dénoncer ces hommes, mais inutilement, j’en joins un autre, qui tient à la trame

  1. Il s’agit du Comité de sûreté générale.
  2. Hamel (III, 726) : « A’empailler les vices ». C’est une erreur évidente qui est corrigée dans Sorb.