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Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/363

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ayant laissé échapper quelque chose du récit qu’il m’en a fait : mais je vous redirai l’essentiel. Voici donc à peu près, selon lui, quel fut le discours de Phèdre :

« C’est un grand dieu que l’Amour, bien digne d’être honoré parmi les dieux et parmi les hommes pour mille raisons ; mais surtout pour son ancienneté ; car il n’y a point de dieu plus ancien que lui. Et la preuve, c’est qu’il n’a ni père ni mère. Aucun poëte, aucun prosateur ne lui en attribue. Selon Hésiode[1], le Chaos exista d’abord ; ensuite la Terre au large sein, base éternelle et inébranlable de toutes choses, et l’Amour. Hésiode, par conséquent, fait succéder au Chaos la Terre et l’Amour. Parménide parle ainsi de son origine :

L’Amour est le premier dieu qu’ il conçut[2].

Acusilas[3] a suivi le sentiment d’Hésiode. Ainsi, d’un commun accord, l’Amour est le plus ancien des dieux. C’est aussi de tous les dieux celui qui fait le plus de bien aux hommes. Car je ne connais pas de plus grand avantage pour un jeune homme que d’avoir un amant vertueux, et pour un amant que d’aimer un objet vertueux. Naissance, honneurs, richesses, rien ne peut aussi bien que l’amour inspirer à l’homme ce qu’il faut pour mener une vie honnête : je veux dire la honte du mal et l’émulation du bien. Sans ces deux choses, il est impossible qu’un particulier ou un État fasse jamais rien de

  1. Théogonie, v. 116, 117, 120.
  2. Voir les Fragments de Parménide, par Füllerborn.
  3. Très-ancien historien. « Eumèle et Acusilas, dit Clément d’Alexandrie, mirent en prose les vers d’Hésiode, et les publièrent comme leur propre ouvrage. » Strom., VI, ch. II.