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Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/434

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n’avoir son semblable ni chez les anciens ni chez nos contemporains. On pourrait, par exemple, comparer Brasidas[1] ou tel autre à Achille, Périclès à Nestor et à Anténor ; et il est d’autres personnages entre lesquels il serait facile d’établir de semblables rapprochements. Mais on ne trouverait personne, soit chez les anciens, soit chez les modernes, qui approchât en rien de cet homme, de ses discours, de ses originalités ; à moins de le comparer, comme j’ai fait, non pas à un homme, mais aux silènes et aux satyres, lui et ses discours : car j’ai oublié de dire, en commençant, que ses discours aussi ressemblent parfaitement aux silènes qui s’ouvrent. En effet, malgré le désir qu’on a d’écouter Socrate, ce qu’il dit paraît, au premier abord, entièrement grotesque. Les expressions dont il revêt sa pensée sont grossières comme la peau d’un impudent satyre. Il ne vous parle que d’ânes bâtés, de forgerons, de cordonniers, de corroyeurs, et il a l’air de dire toujours la même chose dans les mêmes termes ; de sorte qu’il n’est pas d’ignorant et de sot qui ne puisse être tenté d’en rire. Mais qu’on ouvre ses discours, qu’on en examine l’intérieur, on trouvera d’abord qu’eux seuls sont pleins de sens, ensuite qu’ils sont tout divins et qu’ils renferment les plus nobles images de la vertu, en un mot, tout ce que doit avoir devant les yeux quiconque veut devenir un homme de bien. Voilà, mes amis, ce que je loue dans Socrate, et ce dont je l’accuse ; car j’ai joint à

  1. Général lacédémonien tué à Amphipolis, dans la guerre du Péloponèse. — Voir Thucydide, V, VI.