Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/142

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SOCRATE

De ce que tu crois n’avoir à lutter que contre les gens d’ici.

ALCIBIADE

Et contre qui aurai-je à lutter ?

SOCRATE

Est-ce là une question digne d’un homme qui croit avoir l’âme grande ?

ALCIBIADE

Comment dis-tu ? Ce n’est pas avec ces gens-là que j’aurai à lutter ?

SOCRATE

Est-ce que, si tu te proposais de gouverner une trière sur le point de combattre, il te suffirait d’être le meilleur pilote de l’équipage, ou bien, tout en tenant cette supériorité pour nécessaire, tournerais-tu les yeux vers tes vrais adversaires et non, comme à présent, vers tes auxiliaires ? Ceux-ci, tu dois, je pense, les surpasser si fort qu’au lieu de prétendre rivaliser avec toi, ils sentent leur infériorité et t’aident à combattre l’ennemi, si tu songes réellement à te distinguer par quelque belle action digne de toi et de la ville.

ALCIBIADE

Oui, certes, j’y songe.

SOCRATE

Ainsi tu trouves bon de te borner à être supérieur aux soldats, au lieu de te mettre devant les yeux les chefs des ennemis, pour essayer de devenir meilleur qu’eux, en les observant et en t’entraînant à les surpasser ?

ALCIBIADE

Mais qui sont ces chefs dont tu parles, Socrate ?

SOCRATE

Ne sais-tu pas que, si notre ville fait la guerre, c’est toujours contre les Lacédémoniens et contre le grand Roi ?

ALCIBIADE

C’est vrai.