Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/405

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est ami du semblable, on donne à entendre, si je ne me trompe, que l’homme de bien seul devient ami du seul homme de bien, et que le méchant n’entre jamais dans une amitié véritable ni avec le bon ni avec le méchant. Est-ce aussi ton avis ?

Il fit signe que oui.

— Nous savons donc maintenant quelles gens sont amis ; car notre raisonnement nous a fait voir que ce sont les gens de bien.

— C’est tout à fait ce que je pense, dit-il.

XI. — Et moi aussi, repris-je. Pourtant il y a là quelque chose qui me contrarie. Eh bien donc, par Zeus, examinons ce qui me paraît suspect. Le semblable est-il ami du semblable en tant que semblable, et, comme tel, lui est-il utile ? Mais posons plutôt la question de cette manière le semblable peut-il faire à son semblable quelque bien ou quelque tort qu’il ne puisse se faire à lui-même ? et peut-il attendre quelque chose qu’il ne puisse attendre de lui-même ? Dans ces conditions, comment sentiraient-ils de l’attrait l’un pour l’autre, s’ils ne sont l’un pour l’autre d’aucun secours ? Est-ce possible ?

— Non.

— Or ce qui n’attire pas peut-il être ami ?

— Nullement.

— Alors le semblable n’est point l’ami du semblable. Mais le bon ne pourrait-il pas être ami du bon, en tant que bon, non en tant que semblable ?

— Peut-être.

— Mais quoi ? le bon, en tant que bon, ne saurait-il se suffire à lui-même ?

— Si.

— Or celui qui se suffit à lui-même n’a, par là même, besoin de personne ?

— Sans doute.

— Mais celui qui n’a pas besoin d’un autre ne sent pas d’attrait pour lui ?

— Non, effectivement.

— Et s’il n’a pas d’attrait pour lui, il ne l’aime pas ?