Dès lors, ne penses-tu pas qu’il faut avoir beaucoup de prévoyance de peur de demander à son insu de grands maux, en croyant demander de grands biens, et de trouver les dieux en disposition d’accorder ce qu’on leur demande. C’est ainsi, par exemple, qu’Œdipe leur demanda, dit-on, que ses fils se partageassent leur patrimoine avec le fer. Il pouvait les prier d’écarter de lui les maux présents ; il en ajouta d’autres, par ses imprécations, à ceux qui l’accablaient. Aussi ses vœux s’accomplirent et il en résulta même une foule de conséquences terribles, qu’il n’est point nécessaire de rapporter en détail.
Mais, Socrate, tu me parles là d’un homme en délire 1 ; car peux-tu croire qu’un homme sain d’esprit eût fait de telles prières !
II. — Mais, à ton avis, le délire n’est-il pas l’opposé du bon sens ?
Si fait.
Ne crois-tu pas qu’il y a des hommes insensés et des hommes sensés ?
Certainement si.
Eh bien, examinons ce que sont ces hommes. Il est bien entendu qu’il y a des hommes insensés, des hommes sensés, et d’autres qui sont en délire ?
C’est bien entendu.
Mais il y a aussi des gens sains.
Il y en a.