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DU TEMPLE DE DELPHES.

qu’à un autre dieu, ou plutôt ce n’est qu’à quelque Génie préposé à la nature, laquelle doit naître et mourir, que ces changements et ces altérations peuvent convenir. Sans aller plus loin, la chose est clairement prouvée par les noms : car ils sont opposés et contradictoires avec ceux de notre Dieu. Notre Dieu se nomme Apollon[1] ; le Génie se nomme Pluton ; le premier est Délius, le second est Aidonée ; l’un est Phébus, l’autre Scotius[2] ; l’un a pour compagnes les Muses et Mnémosyne ; l’autre, l’Oubli et le Silence ; l’un est Théorius, Phanéus, et l’autre est

Prince du lourd sommeil et de la sombre nuit.

Le dernier est

Entre les Dieux celui que l’homme hait le plus.

D’Apollon, au contraire, Pindare a dit, non sans grâce :

Son rôle est de chérir tendrement les humains.

Euripide a donc eu raison de s’écrier :

            Libations funèbres
            Tristes chants de ténèbres,
Phébus aux cheveux d’or ne vous accepte pas.

Et même avant lui, Stésichore avait dit avec sagesse :

En partage Pluton a les maux, les tourments ;
Apollon, les concerts et les divertissements.

Sophocle va jusqu’à déterminer pour chacun d’eux l’instrument qui lui convient :

La flûte, et non la lyre, exprime la tristesse[3].

  1. Amyot : « comme qui diroit non plusieurs et plusieurs ».
  2. À chacune de ces appellations Amyot ajoute dans le texte un commentaire : L’un Délius, c’est-à-dire clair, et l’autre Aidoneus, c’est-à-dire ne voyant goutte ; l’un Phæbus, c’est-à-dire reluisant, et l’autre Scotius, c’est-à-dire ténébreux. Au près de l’un sont les Muses et la Mémoire, et auprès de l’autre l’oubliance et le silence : l’un se surnomme Theorius et Phanæus. c’est-à-dire regardant et monstrant ».
  3. Nous corrigeons d’après Reiske.