Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/650

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est riche on n'apprend pas pour cela à mépriser les richesses ; et la possession du superflu ne fait pas que l'on sache s'en passer.

[2] De quels autres maux nous délivre donc la richesse, si ce n'est pas même de l'amour des richesses ? En buvant on éteint son désir de boire, en mangeant on assouvit son besoin de manger ; et Hipponax qui s'écrie : « Amis, je meurs de froid : ah ! de grâce, un manteau ! » Hipponax, si on lui en mettait plus d'un sur les épaules, ne pourrait en supporter l'amas et les rejetterait. Mais l'avarice ne s'éteint point par l'argent et par l'or, la cupidité ne cesse pas parce qu'elle possède plus qu'il ne lui faut. On pourrait dire à la richesse ce qu'on a le droit de dire à un médecin qui s'en fait accroire : « Tes remèdes ne font que redoubler le mal. » Quand nous n'avons besoin que de pain, que d'un gîte, d'un vêtement simple, des premiers mets venus, voilà que la richesse fondant sur nous remplit notre cœur de convoitise. Nous voulons de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des émeraudes, des meutes de chiens, des chevaux. C'est sur des objets aussi rares qu'inutiles, aussi difficiles à posséder qu'à se procurer, que la richesse nous fait porter nos désirs, au lieu de permettre que nous nous bornions au nécessaire. Du suffisant personne n'est pauvre. Jamais homme n'emprunta de l'argent à intérêt pour acheter de la farine, du fromage, du pain ou des olives. Mais l'un s'endette pour bâtir une maison magnifique, l'autre pour acquérir un plant d'oliviers attenant à sa terre, ou bien des champs de blé, des vignobles, ou bien des mulets de Gaule, des chevaux d'attelage « Destinés à traîner de vides chariots ». Or ces dépenses les ont plongés dans un abîme de contrats, d'intérêts ruineux, d'emprunts hypothécaires. Après quoi,