Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/142

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ajouter que précédemment une fille de Bocchus avait épousé Jugurtha (96) ; mais de telles unions, chez les Numides comme chez les Maures, ne forment que des liens bien légers ; chacun d’eux, selon ses facultés, prend plusieurs épouses, les uns dix, les autres davantage, les rois encore plus. Le cœur de l’époux étant ainsi partagé entre un si grand nombre de femmes, aucune d’elles n’est traitée par lui comme sa compagne : toutes lui sont également indifférentes.

LXXXI. Cependant les armées des deux rois opérèrent leur jonction dans un lieu convenu. Là, après des serments réciproques, Jugurtha enflamme par ses discours l’esprit de Bocchus contre les Romains : il allègue leurs injustices, leur insatiable cupidité : ce sont, dit-il, les ennemis communs de tous les peuples ; ils ont pour faire la guerre à Bocchus le même motif que pour la faire à Jugurtha et à toutes les nations : cette passion de commander à qui toute autre puissance fait obstacle. Maintenant c’était à Bocchus, naguère aux Carthaginois, puis au roi Persée, à en faire l’expérience ; enfin quiconque paraît puissant devient par cela même l’ennemi des Romains. Après ce discours et d’autres semblables, les deux rois prennent le chemin de Cirta, où Metellus avait déposé le butin, les prisonniers et les bagages. Jugurtha se flattait, ou de faire une conquête importante, s’il prenait cette ville ; ou, si les Romains venaient la secourir, d’engager une bataille ; car le rusé Numide n’avait rien de plus pressé que d’entraîner Bocchus à une rupture ouverte, sans lui laisser le temps de choisir d’autre parti que la guerre.