Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/145

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part lui étaient connus pour avoir servi sous ses yeux, les autres, de réputation. Par ses sollicitations, il force jusqu’aux vétérans à partir avec lui. Le sénat, malgré son aversion pour Marius, n’osait rien lui refuser ; il avait même décrété avec joie le supplément demandé, dans la pensée que la répugnance du peuple pour le service militaire ferait perdre à Marius ou les ressources sur lesquelles il comptait pour la guerre, ou sa popularité. Mais l’attente du sénat fut déçue, tant était vif chez les plébéiens le désir de suivre Marius ! Chacun se flattait de revenir dans ses foyers vainqueur, riche de butin, et se repaissait des plus belles espérances. Une harangue de Marius n’avait pas peu contribué à exalter les esprits. En effet, dès qu’il eut obtenu les décrets qu’il avait sollicités, au moment de procéder à l’enrôlement, il convoqua le peuple, tant pour l’exhorter que pour exhaler contre la noblesse sa haine accoutumée, et parla en ces termes :

LXXXV. « Je sais, Romains, que la plupart de vos magistrats ont une conduite bien différente pour briguer le pouvoir, et pour l’exercer quand ils l’ont obtenu : d’abord actifs, souples, modestes, puis passant leur vie dans la mollesse et dans l’orgueil. Moi, je pense, au contraire, qu’autant la république entière est au-dessus du consulat et de la préture, autant on doit mettre, pour la bien gouverner, plus de soin que pour briguer ces honneurs. Je ne me dissimule pas combien l’insigne faveur que vous m’avez accordée m’impose d’obligations. Faire les préparatifs de la guerre et à la fois ménager le trésor public, contraindre au service ceux à qui on ne voudrait