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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/149

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reçu de vous, ils nous déchirent vous et moi, en toute occasion, par leurs mauvais propos, je n’ai pas cru devoir me taire, de peur qu’ils prissent pour un aveu de la conscience le silence de la modestie. Ce n’est pas toutefois que personnellement aucun discours puisse me nuire : vrais, ils sont nécessairement à mon avantage ; faux, ma conduite et mes mœurs les démentent. Cependant, puisqu’ils incriminent vos décrets, pour m’avoir confié un honneur insigne et une importante expédition, examinez, oui, examinez bien si vous avez lieu de revenir sur votre décision. Je ne puis, pour justifier votre confiance, étaler les images, les triomphes ou les consulats de mes ancêtres ; mais je produirai, s’il le faut, des javelines, un étendard, des colliers, vingt autres dons militaires, et les cicatrices qui sillonnent ma poitrine (106). Voilà mes images, voilà ma noblesse : comme eux, je ne les ai pas recueillis par héritage ; moi seul, je les ai obtenus à force de travaux et de périls.

Mes discours sont sans apprêt (107) : je ne m’en embarrasse guère. La vertu brille assez d’elle-même ; c’est à eux qu’il faut de l’art pour cacher par de belles phrases la turpitude de leurs actions. Je n’ai point étudié l’art littéraire des Grecs (108), me souciant peu de l’apprendre, puisqu’il n’a pas rendu plus vertueux ceux qui l’enseignaient. Mais j’ai appris des choses bien autrement utiles à la république : à frapper l’ennemi, à garder un poste, à ne rien craindre que le déshonneur (109), à endurer également le froid et le chaud, à coucher sur la dure, à supporter à la fois la faim et la fatigue. Voilà par quelles leçons j’instruirai les soldats : on ne me verra pas les faire vivre