Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/150

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dans la gêne, et vivre, moi, dans l’abondance. Je ne fonderai pas ma gloire sur leurs travaux. Ainsi le commandement se montre tutélaire, ainsi doit-il s’exercer entre concitoyens (110) : car se livrer à la mollesse et infliger à l’armée les rigueurs de la discipline, c’est agir en tyran, et non pas en général. C’est en pratiquant ces maximes, et d’autres semblables, que vos ancêtres ont fait la gloire de l’État et la leur.

Appuyée sur leurs noms, la noblesse, qui ressemble si peu à ces grands hommes, ose nous mépriser, nous qui sommes leurs émules : elle réclame de vous tous les honneurs, non comme la récompense du mérite, mais comme un droit acquis. Etrange erreur de l’orgueil ! Leurs ancêtres leur ont transmis tout ce qu’ils pouvaient leur transmettre, richesses, images, souvenirs glorieux de ce qu’ils furent ; mais la vertu, ils ne la leur ont point léguée, et ne pouvaient la leur léguer ; seule elle ne peut ni se donner ni se recevoir (111). Ils m’accusent, de vilenie et de grossièreté, parce que je m’entends mal à ordonner les apprêts d’un festin, que je n’ai point d’histrions à ma table, et que mon cuisinier ne me coûte pas plus cher qu’un garçon de charrue (112). J’en conviens bien volontiers ; car mon père et d’autres personnages d’une vie irréprochable m’ont enseigné que ces futilités conviennent aux femmes, et le travail aux hommes ; qu’il faut au brave moins de richesses que de gloire, et que ses armes, et non ses ameublements, sont sa parure. Eh bien donc ! qu’ils la mènent toujours, cette vie qui leur plaît tant, qui leur est si chère ; qu’ils fassent l’amour, qu’ils boivent, et que, comme ils consumèrent leur adolescence, ils