Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/171

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bien assez de sujets, nous n’avons ni nous, ni personne, jamais assez d’amis. Et plût aux dieux qu’ils vous eussent ainsi inspiré dès le commencement ! Certes, vous auriez aujourd’hui reçu du peuple romain plus de bienfaits que vous n’en avez essuyé de maux. Mais, puisque la fortune, qui maîtrise la plupart des événements humains, a voulu vous faire éprouver notre pouvoir aussi bien que notre bienveillance, aujourd’hui qu’elle vous offre l’occasion, hâtez-vous, achevez votre ouvrage. Il se présente à vous bien des moyens faciles de faire oublier votre erreur par vos services. Enfin, pénétrez-vous bien de cette pensée, que jamais le peuple romain n’a été vaincu en générosité ; pour ce qu’il vaut à la guerre, vous le savez par vous-même ».

A ce discours, Bocchus répond avec douceur et courtoisie. Après quelques mots de justification, il ajoute que « ce n’est pas dans un esprit hostile, mais pour la défense de ses États, qu’il a pris les armes ; que, la partie de la Numidie d’où il avait chassé Jugurtha étant devenue sa propriété par le droit de la guerre, il n’a pu la laisser dévaster par Marius ; qu’en outre, les députés qu’il avait précédemment envoyés à Rome pour obtenir notre alliance avaient essuyé un refus ; qu’au reste il ne veut plus parler du passé, et que, si Marius le permet, il va envoyer une seconde ambassade au sénat ». Cette proposition est accueillie ; mais bientôt, à l’instigation de ses confidents, le Barbare changea de résolution. Instruit de la mission de Sylla et de Manlius, Jugurtha en avait craint le résultat, et il les avait gagnés par des présents.