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SALLUSTE.

gloire ou l’oubli aux actions des mortels. Les exploits des Athéniens, j’aime à le reconnaître, ne manquent ni de grandeur, ni d’éclat, seulement ils sont un peu au-dessous de leur renommée. Mais, comme ce pays a produit de grands écrivains (21), le monde entier a placé au premier rang les actions des Athéniens. On a jugé de la valeur de ceux qui les ont faites par la hauteur où les a placées le génie de leurs historiens. Mais le peuple romain n’a jamais eu cet avantage, parce qu’à Rome le citoyen le plus habile était aussi le plus livré aux affaires ; point d’emploi qui exerçât l’esprit à l’exclusion du corps ; les plus vertueux aimaient mieux bien faire que bien dire, et mériter la louange par leurs services que de raconter eux-mêmes ceux des autres.

IX. Ainsi donc dans la paix et dans la guerre les bonnes mœurs étaient également pratiquées : union parfaite ; point d’avarice ; la justice et l’honneur s’appuyaient moins sur les lois que sur le penchant naturel (22). Les querelles, les animosités, les haines, on les réservait pour les ennemis du dehors : entre eux, les citoyens ne disputaient que de vertu. Magnifiques dans le culte des dieux, économes dans leur intérieur, nos pères étaient fidèles à l’amitié. Intrépidité dans les combats, équité lorsque la paix succédait à la guerre, tel était le double fondement de la prospérité publique et privée. Et, à cet égard, je trouve des exemples bien frappants : plus souvent dans la guerre on en a puni pour avoir attaqué l’ennemi contre l’ordre du général, ou quitté trop tard le champ de bataille, que pour