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SALLUSTE.

Le consul, instruit de ces mouvements, fait les dispositions de troupes qu’exigent la circonstance et le moment, convoque le sénat, et met en délibération le sort des détenus. Déjà dans une précédente assemblée, le sénat, très-nombreux, les avait déclarés traîtres à la patrie. Decimus Junius Silanus (102), appelé à opiner le premier en qualité de consul désigné, fut d’abord d’avis que l’on condamnât au dernier supplice ceux qui étaient détenus, ainsi que L. Cassius, P. Furius, P. Umbrenus et Q. Annius, si on parvenait à les arrêter. Mais ensuite le même Silanus, ébranlé par le discours de C. César, annonça qu’il se rangerait à l’avis de Tibérius Néron (103), qui demandait qu’après avoir renforcé les postes on ajournât la décision. César, quand son tour fut venu, invité par le consul à donner son opinion, s’exprima à peu près en ces termes (104) :

LI. « Sénateurs, tout homme qui délibère sur des affaires douteuses doit être exempt de haine, d’affection, de colère et de pitié. Difficilement il parvient à démêler la vérité, l’esprit que ces sentiments préoccupent, et jamais personne n’a pu à la fois servir sa passion et ses intérêts. Appliquez à un objet toute la puissance de votre esprit, il sera fort ; si la passion s’en empare et le domine, il sera sans force. Ce serait ici pour moi une belle occasion, sénateurs, de rappeler et les rois et les peuples qui, cédant à la colère ou à la pitié, ont pris de funestes résolutions : mais j’aime mieux rapporter ce que nos ancêtres, en résistant à la passion, ont su faire de bon et de juste. Dans la guerre de Macédoine (105), que nous fîmes contre le roi Per-