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SALLUSTE.

mais que, du moins, on ne se montre pas prodigue de notre sang ; et que, pour sauver quelques scélérats, tous les bons citoyens ne soient pas sacrifiés.

C’est avec beaucoup d’art et de talent que C. César vient de disserter devant cette assemblée sur la vie et sur la mort : il estime faux, je le crois, ce que l’on raconte des enfers (114) : que, séparés des bons, les méchants vont habiter des lieux noirs, arides, affreux, épouvantables. Son avis est donc de confisquer les biens des conjurés et de les retenir en prison dans les municipes : il craint sans doute que, s’ils restaient à Rome, ils ne fussent, ou par les complices de la conjuration, ou par une multitude soudoyée, enlevés à force ouverte : comme s’il n’y avait de méchants et de scélérats que dans Rome, et qu’il n’y en eût pas par toute l’Italie ! comme si l’audace n’avait pas plus de force là où il existe moins de moyens pour la réprimer ! Le conseil que donne César est donc illusoire, s’il craint quelque danger de la part des conjurés ; si, au milieu d’alarmes si grandes et si générales, seul il est sans crainte, c’est, pour vous comme pour moi, un motif de craindre davantage.

Ainsi donc, lorsque vous statuerez sur le sort de P. Lentulus et des autres détenus, tenez pour certain que vous prononcerez à la fois sur l’armée de Catilina et sur tous les conjurés. Plus vous agirez avec vigueur, moins ils montreront de courage ; mais, pour peu qu’ils vous voient mollir un instant, vous les verrez ici plus déterminés que jamais.

Gardez-vous de penser que ce soit par les armes que nos