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CONJURATION DE CATILINA

ancêtres ont élevé la république, si petite d’abord, à tant de grandeur. S’il en était ainsi, elle serait entre nos mains encore plus florissante, puisque, citoyens, alliés, armes, chevaux, nous avons tout en plus grande quantité que nos pères. Mais ce sont d’autres moyens (115) qui firent leur grandeur, et ces moyens nous manquent : au dedans, l’activité ; au dehors, une administration juste ; dans les délibérations, une âme libre et dégagée de l’influence des vices et des passions. Au lieu de ces vertus, nous avons le luxe et l’avarice ; la pauvreté de l’État, l’opulence des particuliers (116) ; nous vantons la richesse, nous chérissons l’oisiveté ; entre les bons et les méchants, nulle distinction : toutes les récompenses de la vertu sont le prix de l’intrigue. Pourquoi s’en étonner, puisque, tous tant que vous êtes, chacun de vous ne pense que pour soi ? Chez vous, esclaves des voluptés ; ici, des richesses ou de la faveur. De là vient que l’on ose se jeter sur la république délaissée. Mais laissons ce discours.

Des citoyens de la plus haute noblesse ont résolu l’embrasement de la patrie ; le peuple gaulois, cet ennemi implacable du peuple romain, ils l’excitent à la guerre ; le chef des révoltés, avec son armée, tient le glaive sur vos têtes. Et vous temporisez encore ! vous hésitez sur ce que vous devez faire d’ennemis arrêtés dans l’enceinte de vos murs ! Prenez en pitié, je vous le conseille, de jeunes hommes que l’ambition a égarés : faites mieux : laissez-les tout armés partir. Je le veux bien, pourvu que toute cette mansuétude et cette pitié, une fois qu’ils auront pris les armes, ne tournent pas en malheur pour vous.