Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/332

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Ma douleur serait moins vive, je l’avoue, s’ils fondaient sur une victoire due à leur courage ce droit d’asservir qu’ils exercent à leur gré ; mais ces hommes si lâches, qui n’ont de force, de vertu, qu’en paroles, abusent insolemment d’une domination que le hasard ou la négligence d’autrui leur ont mise dans les mains. Est-il, en effet, une sédition, une guerre civile qui ait exterminé tant et de si illustres familles ? à qui la victoire inspira-t-elle jamais tant de violence, tant d’emportement ?

IV. L. Sylla (9), à qui, dans sa victoire, tout était permis par le droit de la guerre, savait bien que la perte de ses ennemis ajoutait à la force de son parti ; cependant, après en avoir sacrifié un petit nombre, il a mieux aimé retenir les autres par des bienfaits que par la crainte. Mais aujourd’hui, grands dieux, avec Caton, L. Domitius et tous les autres chefs de la même faction, quarante sénateurs et une foule de jeunes gens de grande espérance ont été frappés comme des victimes ; et toutefois la rage de ces hommes conjurés à notre perte n’est pas encore assouvie par le sang de tant de malheureux citoyens : l’abandon des orphelins, la triste vieillesse des pères et des mères, les gémissements des maris, la désolation des épouses, rien n’a pu empêcher ces âmes inhumaines de se porter à des attentats, à des accusations de plus en plus atroces, pour dépouiller les uns de leur dignité (10), les autres du droit de citoyen (11).

Et de vous, César, que dirai-je ? de vous que ces hommes, pour comble de lâcheté, veulent abaisser au prix de leur sang ? moins sensibles qu’ils sont au plaisir de cette domination, qui