Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/335

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commencement, il ne voulut rien faire qui ne lui eût été conseillé par les nobles eux-mêmes. Mais ces factieux, pour qui le plaisir de tromper et de nuire l’emportait sur la foi des engagements, n’eurent pas plutôt vu un seul homme départir à un grand nombre d’individus le plus précieux des biens, que chacun d’eux, ayant la conscience de ses intentions injustes et perverses, jugea de M. Livius Drusus d’après soi-même. Craignant donc que, par un si grand bienfait, il ne s’emparât seul du pouvoir, ils réunirent contre lui leurs efforts et firent échouer ses projets, qui n’étaient, après tout, que les leurs. C’est donc pour vous, général, une raison de redoubler de soins, afin de vous assurer des amis dévoués et de nombreux appuis.

VII. Combattre un ennemi de front et le terrasser n’est pas difficile à un homme de cœur ; ne savoir ni tendre des pièges ni s’en défendre, telle est la disposition des gens de bien. Lors donc que vous aurez introduit ces hommes dans la cité, le peuple étant ainsi régénéré, appliquez surtout votre attention à entretenir les bonnes mœurs, à cimenter l’union entre les anciens et les nouveaux citoyens. Mais le plus grand bien, certes, que vous puissiez procurer à la patrie, aux citoyens, à vous-même, à nos enfants, à l’humanité enfin, ce sera de détruire l’amour de l’argent, ou au moins de l’affaiblir autant que possible : autrement on ne saurait, soit en paix, soit en guerre, administrer ni les affaires privées ni les affaires publiques. Car, là où a pénétré l’amour des richesses, il n’est plus d’institutions, d’arts utiles, de génie, qui puissent résister : l’âme elle-même, tôt ou tard, finit par succomber.