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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/339

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passer à ce qu’il me semble que vous devez faire à l’égard du sénat.

X. Lorsque avec l’âge mon esprit se fut développé, assez peu j’exerçai mon corps aux armes et à l’équitation, mais j’appliquai mon intelligence à la culture des lettres, consacrant ainsi aux travaux la portion de moi-même que la nature avait douée d’une plus grande vigueur (22). Or tout ce que m’ont appris dans ce genre de vie la lecture et la conversation m’a convaincu que tous les royaumes, toutes les cités, tous les peuples, ont été puissants et heureux tant qu’ils ont obéi à de sages conseils ; mais qu’une fois corrompus par la flatterie, la crainte ou la volupté, leur puissance a été aussitôt affaiblie ; qu’ensuite l’empire leur a été enlevé ; qu’enfin ils sont tombés dans l’esclavage.

Il m’est bien démontré aussi que celui qui se voit au-dessus de ses concitoyens par le rang et le pouvoir prend fortement à cœur le bien de l’État. Pour les autres, en effet, le salut de l’État n’est que la conservation de leur liberté ; mais celui qui, par son mérite, s’est élevé aux richesses, aux distinctions, aux honneurs, pour peu que la république ébranlée éprouve quelque agitation, aussitôt son âme succombe sous le poids des soucis et de l’anxiété. C’est tout à la fois sa gloire, sa liberté, sa fortune, qu’il lui faut défendre : il faut que partout il soit présent et s’évertue. Plus, dans les temps heureux, il s’est vu dans une situation florissante, plus, dans les revers, il est en proie à l’amertume et aux alarmes. Lors donc que le peuple obéit au sénat comme le corps à l’âme, lorsqu’il exécute ses