Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/341

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rait plus de force, et la noblesse moins d’influence. Mais, puisqu’il est difficile de ramener au même niveau le crédit de tous (les uns ayant, grâce au mérite de leurs ancêtres, hérité de la gloire, de l’illustration, d’une nombreuse clientèle, et les autres n’étant pour la plupart qu’une multitude arrivée de la veille), faites que les votes de ces derniers ne soient plus dictés par la crainte : chacun, dès lors, protégé par le secret, fera prévaloir sur la puissance d’autrui son opinion individuelle. Bons et méchants, braves et lâches, tous désirent également la liberté ; mais, dans leur aveuglement, la plupart des hommes l’abandonnent par crainte, et, sans attendre l’issue d’un combat incertain, sont assez lâches pour se soumettre d’avance aux chances de la défaite.

Il est donc, selon moi, deux moyens de donner de la force au sénat : c’est d’augmenter le nombre de ses membres (23), et d’y établir le vote par scrutin secret (24). Le scrutin sera une sauvegarde à l’abri de laquelle les esprits oseront voter avec plus de liberté ; dans l’augmentation du nombre de ses membres, ce corps trouvera plus de force et d’action. En effet, depuis ces derniers temps, les sénateurs sont, les uns astreints à siéger dans les tribunaux, les autres distraits par leurs propres affaires ou par celles de leurs amis ; ils n’assistent presque plus aux délibérations publiques : il est vrai qu’ils en sont écartés moins par ces occupations que par l’insolence d’une faction tyrannique. Quelques nobles, avec un petit nombre d’auxiliaires de leur faction, pris dans les familles sénatoriales, sont maîtres d’approuver, de rejeter, de décréter, de tout faire enfin au gré de leur caprice. Mais, dès que le nombre des sénateurs