Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teurs, que la république fût en paix, ou que, du moins, dans ses périls, elle vît ses meilleurs citoyens courir à sa défense ; enfin, que les entreprises coupables tournassent contre leurs auteurs ! Mais, loin de là, tout est en proie à des séditions excitées par ceux mêmes qui les premiers devraient les prévenir ; et, pour comble de maux, ce que des insensés et des furieux ont résolu, des hommes sages et vertueux sont obligés de l’exécuter. Ainsi, malgré votre éloignement pour la guerre, cependant, parce que Lepidus veut la faire, il vous faut prendre les armes ; à moins que l’on n’aime mieux se résigner à souffrir, sous une ombre de paix, tous les maux de la guerre. Grands dieux, qui daignez encore gouverner notre ville, quand nous l’abandonnons !

II. M. Emilius, le plus infâme des scélérats, lui, dont on ne saurait dire s’il est plus lâche que méchant, a sous ses ordres une armée pour renverser la liberté : méprisé hier, aujourd’hui redoutable ; et vous, toujours murmurant, différant toujours, c’est par des discours inutiles, de vaines prédictions, que vous, attendez la paix, au lieu de la défendre. Et vous ne voyez pas que la mollesse de vos décrets vous fait perdre toute dignité, et à lui toute crainte. Il a raison, en effet ; ses rapines lui ont valu le consulat, et la sédition une province avec une armée. Qu’aurait-il obtenu pour des services, celui dent vous aves si bien récompensé les crimes ?

Mais ceux qui, jusqu’au dernier, moment, n’ont dans leurs décrets parlé que de députations, de paix, de concorde, et d’autres choses semblables, ont apparemment trouvé grâce devant lui ! Loin de là, il les méprise et les juge indignes de participer en quoi que ce soit à la chose publique ; il ne voit en eux qu’une proie, parce qu’ils sollicitent aujourd’hui la paix aussi lâchement qu’ils se la sont laissé ravir.

III. Quant à moi, dès que je vis l’Étrurie se soulever, les proscrits rappelés, et le déchirement de la république préparé par des largesses, je pensai