Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/502

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sorti du néant, qui a usurpé le droit de cité, et ne s’est élevé qu’à force de ramper ?

Penses-tu, M. Tullius, que tes turpitudes soient couvertes d’un voile impénétrable ? N’as-tu pas vécu de telle sorte, depuis ton enfance, qu’il ne t’a jamais semblé que satisfaire la passion d’autrui fût pour toi une action infâme ? Crois-tu que l’on ne sache pas à quelles complaisances honteuses tu dois cette faconde effrénée dont M. Pison t’a donné les premières leçons ? Faut-il, après cela, s’étonner du trafic odieux que tu fais d’un art que tu as acquis par le déshonneur ? Mais serait-ce l’éclat intérieur de ta maison qui cause ton orgueil ? Je n’y vois qu’une épouse sacrilège qui a vieilli dans le parjure, une fille pour laquelle ta tendresse passe les bornes de celle d’un père, une fille dont la condescendance pour toi n’est point celle qu’un père doit attendre de sa fille(1). Et cette maison elle-même, si funeste à toi et aux gens, n’est-ce pas à la violence et à la rapine que tu la dois ? O le plus méchant des hommes ! tu ne pouvais nous offrir une preuve plus complète du bouleversement général qu’en habitant une maison qui a jadis appartenu à un illustre consulaire, à P. Crassus.

II. Quoi qu’il en soit, Cicéron ne s’en vante pas moins d’avoir assisté au conseil des deux immortels, et d’avoir été envoyé par eux dans cette ville pour être le sauveur des Romains, lui qui met sa plus grande gloire à en être le bourreau ! comme si ton consulat, ô Cicéron ! n’avait pas été l’unique cause de la conjuration de Catilina ; comme si la république, dans ce temps-là même, n’avait pas été dans une perpétuelle