Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/504

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pieds fugitifs, sa bouche insatiable, et, ce qu’on ne peut honnêtement nommer, extrêmement malhonnête(2).

III. Et toutefois c’est lui qui a le front de s’écrier :

O Rome fortunée, en mon consulat née !

Quoi ! Cicéron, Rome fut heureuse sous ton consulat ? Jamais elle ne fut plus malheureuse, plus digne de pitié : elle a vu, toi consul, ses habitants proscrits, lorsqu’au milieu du trouble universel tu contraignais les hommes paisibles, abattus par la terreur, à se soumettre à tes ordres barbares ; lorsque la justice et la loi étaient entre tes mains une arme à deux tranchants, et qu’après avoir abrogé la loi Porcia tu nous ravissais la liberté en faisant dépendre de toi seul la vie ou la mort de tes concitoyens. Il ne te suffit pas de jouir impunément du fruit de tes forfaits ; il faut encore qu’en nous les rappelant tu en fasses le monument de notre honte, afin qu’il ne nous soit plus permis d’oublier la servitude dans laquelle tu nous avais plongés. Cicéron, tu as entrepris et consommé ta grande œuvre au gré de tes désirs ; sois satisfait de nous avoir trouvés si patients. Jusques à quand fatigueras-tu nos oreilles des accents de ta haine ? Jusques à quand nous répéteras-tu sans cesse à tout propos ces mots qui nous offensent :

Que les armes le cèdent à la toge, et les lauriers à l’éloquence(3) !

comme si c’était en toge, et non sous les armes, que tu as exé-