Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/515

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tuné des hommes, tu as acquis de somptueux jardins, la villa de César à Tibur, et tes autres domaines. Et tu as l’effronterie de me demander pourquoi j’ai la maison de Crassus, toi qui possèdes l’antique villa dont César était tout récemment le maître ! Mais, après avoir non pas mangé, mais dévoré ton patrimoine, comment, en un clin d’œil, te trouves-tu si riche et si puissant ? Qui t’aurait fait son héritier, toi que nul ne voudrait avouer pour son ami, à moins qu’il ne fût ton pareil ?

VIII. Mais ce sont peut-être les belles actions de tes ancêtres qui t’enflent le cœur : soit que tu leur ressembles, soit qu’ils t’aient ressemblé, on ne peut rien ajouter à la scélératesse, à la perversité de chacun de vous tous. Ce sont peut-être encore les dignités dont tu as été revêtu qui t’ont fait si insolent : penses-tu donc, Salluste, qu’il y ait autant de gloire d’avoir été deux fois sénateur et deux fois questeur, qu’il y en a d’avoir été deux fois consul et deux fois triomphateur ? L’accusateur doit être à l’abri de tout reproche, et celui dont la vérité peut blesser les oreilles doit garder le silence. Mais toi, le parasite de toutes les tables, toi qui, dans ta jeunesse, fut le mignon de toutes les ruelles, et qui te fis ensuite un jeu de l’adultère, tu es la honte de tous les ordres, et ton nom seul rappelle toutes nos discordes civiles. Quoi de plus humiliant pour nous que de te voir dans cette auguste enceinte ? Cesse donc de lancer les traits de ta langue envenimée sur les bons citoyens ; renonce à ta manie de médire ; ne juge plus de nos mœurs par