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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/58

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SALLUSTE.

ils demeureront assurément convaincus que c’est par raison, et non par une lâche indolence, que mon esprit s’est engagé dans une nouvelle carrière, et que mes loisirs deviendront plus profitables à la république que l’activité de tant d’autres.

J’ai souvent ouï raconter que Q. Maximus, P. Scipion (3), et d’autres personnages illustres de notre patrie, avaient coutume de dire qu’à la vue des images de leurs ancêtres leurs cœurs se sentaient embrasés d’un violent amour pour la vertu. Assurément ni la cire, ni des traits inanimés, ne pouvaient par eux-mêmes produire une telle impression ; c’était le souvenir de tant de belles actions qui échauffait le cœur de ces grands hommes du feu de l’émulation, et cette ardeur ne pouvait se calmer que quand, à force de vertu, ils avaient égalé la glorieuse renommée de leurs modèles. Quelle différence aujourd’hui ! Qui, au milieu de cette corruption générale, ne le dispute à ses ancêtres en richesses et en profusions, plutôt qu’en probité et en talents ? Les hommes nouveaux eux-mêmes, qui autrefois s’honoraient de surpasser les nobles en vertu, c’est maintenant par la fraude, par les brigandages, et non plus par les bonnes voies, qu’ils arrivent aux commandements militaires et aux magistratures : comme si la préture, le consulat, enfin toutes les dignités, avaient par elles-mêmes de la grandeur et de l’éclat, et que l’estime qu’on doit en faire ne dépendît pas de la vertu de ceux qui les possèdent. Mais, dans mon allure trop franche, je me laisse emporter un peu loin par l’humeur et le chagrin que me donnent les mœurs de mon temps. J’arrive au sujet de mon livre.